PLATE FORME DE LA SOUMMAM
POUR ASSURER LE TRIOMPHE DE LA REVOLUTION ALGERIENNE,
DANS LA LUTTE
POUR L’INDEPENDANCE
NATIONALE
INTRODUCTION
Les extraits de la présente plate-forme d’action du
FRONT DE LIBERATION NATIONALE ont pour objet de définir, d’une façon générale,
la position du FLN, à une étape déterminante de la Révolution Algérienne. Elle
est divisée en trois parties :
I) La
situation politique actuelle.
II) Les
perspectives générales.
III) Les
moyens d’actions et de propagande.
I) LA
SITUATION POLITIQUE ACTUELLE
A) L’ESSOR
IMPETUEUX DE LA REVOLUTION ALGERIENNE
L’Algérie, depuis deux ans, combat avec héroïsme pour
l’indépendance nationale.
La révolution patriotique et anticolonialiste est en
marche.
Elle force l’admiration de l’opinion mondiale.
a. La
Résistance armée.
En une période relativement courte, l’Armée de
Libération Nationale, localisée dans l’Aurès et la Kabylie, a subi avec succès
l’épreuve du feu.
Elle a triomphé de la compagne d’encerclement et
d’anéantissement menée par une armée puissante, moderne, au service du régime
colonialiste d’un des plus grands Etats du monde.
Malgré la pénurie provisoire d’armement, elle a
développé les opérations de guérillas, de harcèlement, de sabotage, s’étendant
aujourd’hui à l’ensemble du territoire national.
Elle a consolidé sans cesse ses positions en
améliorant sa tactique, sa technique, son efficacité.
Elle a su passer rapidement de la guérilla au niveau
de la guerre partielle.
Elle a su combiner harmonieusement les méthodes
éprouvées des guerres anti-colonialistes avec les formes les plus classiques en
les adoptant intelligemment aux particularités du pays.
Elle a déjà fourni la preuve suffisante, maintenant
que son organisation militaire est unifiée, qu’elle possède la science de la
stratégie d’une guerre englobant l’ensemble de l’Algérie.
L’Armée de Libération Nationale se bat pour une cause
juste.
Elle groupe des patriotes, des volontaires, des
combattants décidés à lutter avec abnégation jusqu’à la délivrance de la patrie
martyre.
Elle s’est renforcée par le sursaut patriotique
d’officiers, de sous-officiers et de soldats de carrière ou du contingent,
désertant en masse avec armes et bagages les rangs de l’armée française.
Pour la première fois dans les annales militaires, la
France ne peut plus compter sur le « loyalisme » des troupes algériennes. Elle
est obligée de les transférer en France et en Allemagne.
Les Harkas de goumiers, recrutés parmi les chômeurs
souvent trompés sur la nature du « travail » pour lequel ils étaient appelés,
disparaissent dans le maquis. Certaines sont désarmées et dissoutes par les
autorités mécontentes.
Les réserves humaines de l’ALN sont inépuisables. Elle
est souvent obligée de refuser l’enrôlement des Algériens jeunes et vieux, des
villes et campagnes, impatients de mériter l’honneur d’être soldats de leur «
Armée ».
Elle bénéficie pleinement de l’amour du peuple
algérien, de son soutien enthousiaste, de sa solidarité agissante, morale et
matérielle, totale et indéfectible.
Les officiers supérieurs, les commandants de zones,
les commissaires politiques, les cadres et soldats de l’Armée de Libération
Nationale sont honorés comme des héros nationaux, glorifiés dans des chants
populaires qui ont déjà pénétré aussi bien dans l’humble gourbi que la
misérable Khaïma, la ghorfa des casbahs comme le salon des villas.
Telles sont les raisons essentielles du « miracle
algérien » : l’ALN tenant en échec la force colossale de l’armée colonialiste
française, renforcée par les divisions « atomiques » prélevées sur les forces
de l’OTAN.
Voilà pourquoi en dépit des incessants renforts, jugés
aussitôt insuffisants, malgré le quadrillage ou autre technique aussi
inopérante que les déluges de feu, les généraux français sont obligés de
reconnaître que la solution militaire est impossible pour résoudre le problème
algérien.
Nous devons signaler particulièrement la formation de
nombreux maquis urbains qui, d’ores et déjà, constituent une seconde armée sans
uniforme.
Les groupes armés dans les villes et villages se sont
notamment signalés par des attentats contre les commissariats de police, les
postes de gendarmerie, les sabotages de bâtiments publics, les incendies, la
suppression de gradés de la police, de mouchards, de traîtres.
Ce qui affaiblit d’une façon considérable l’armature
militaire et policière de l’ennemi colonialiste, augmente la dispersion de ses
forces sur l’ensemble du sol national, mais aussi accentue la détérioration du
moral des troupes, maintenus dans un état d’énervement et de fatigue par la
nécessité de rester sur un qui-vive angoissant.
C’est un fait indéniable que l’action de l’ALN a
bouleversé le climat politique en Algérie.
Elle a provoqué un choc psychologique qui a libéré le
peuple de sa torpeur de la peur, de son scepticisme.
Elle a permis au peuple algérien une nouvelle prise de
conscience de sa dignité nationale.
Elle a également déterminé une union psycho-politique
de tous les Algériens, cette unanimité nationale qui féconde la lutte armée et
rend inéluctable la victoire de la liberté.
b. Une
organisation politique efficace.
Le FRONT DE LIBERATION NATIONALE, malgré son activité
clandestine, est devenu aujourd’hui l’unique organisation véritablement
nationale. Son influence est incontestable et incontestée sur tout le
territoire algérien.
En effet, dans un délai extrêmement court, le FLN a
réussi le tour de force de supplanter tous les partis politiques existants
depuis des dizaines d’années.
Cela n’est pas le fruit du hasard. C’est le résultat
de la réunion des conditions indispensables suivantes :
1°) Le bannissement du pouvoir personnel et
l’instauration du principe de la direction collective composée d’hommes
propres, honnêtes, imperméables à la corruption, courageux, insensibles au
danger, à la prison ou à la peur de la mort.
2°) La doctrine est claire. Le but à atteindre, c’est
l’indépendance nationale. Le moyen, c’est la révolution par la destruction du
régime colonialiste.
3°) L’union du peuple est réalisée dans la lutte
contre l’ennemi commun, sans sectarisme :
Le FLN affirmait au début de la Révolution que « la
libération de l’Algérie sera l’œuvre de TOUS les Algériens et non pas celle
d’une fraction du peuple algérien, quelque soit son importance ». C’est
pourquoi le FLN tiendra compte dans sa lutte de toutes les forces
anti-colonialistes, même si elles échappent à son contrôle.
4°) La condamnation définitive du culte de la
personnalité, la lutte ouverte contre les aventuriers, les mouchards, les
valets de l’administration, indicateurs ou policiers. D’où la capacité du FLN à
déjouer les manœuvres politiques et les traquenards de l’appareil policier
français.
Cela ne saurait signifier que toutes les difficultés
seraient complètement effacées.
Notre action politique a été handicapée au départ pour
les raisons ci-après :
1°) L’insuffisance numérique des cadres et des moyens
matériels et financiers.
2°) La nécessité d’un long et dur travail de
clarification politique, d’explication patiente et persévérante pour surmonter
une grave crise de croissance.
3°) L’impératif stratégique de SUBORDONNER TOUT AU
FRONT DE LA LUTTE ARMEE.
Cette faiblesse, normale et inévitable au début, est
déjà corrigée, après la période où il se contentait de lancer uniquement des
mots d’ordre de résistance à l’impérialisme, on a assisté à une réelle
apparition du FLN sur le plan de la lutte politique.
Ce redressement fut marqué par la grève d’anniversaire
du 1er novembre 1955, considérée comme l’événement décisif, tant par
son aspect spectaculaire et positif que par son caractère profond, preuve de la
« prise en main » de toutes les couches de la population.
Jamais, de mémoire d’Algérie, aucune organisation
politique n’avait obtenu une grève aussi grandiose dans les villes et villages
du pays.
D’autre part, le succès de la non-coopération
politique lancée par le FLN est non moins probant. La cascade de démissions des
élus patriotes suivie de celles des élus administratifs ont imposé au
gouvernement français la non-prorogation du mandat des députés du Palais
Bourbon, la dissolution de l’Assemblée Algérienne. Les conseils généraux et
municipaux et les djemaa ont disparu, vide accentué et amplifié par la
démission de nombreux fonctionnaires et auxiliaires de l’autorité coloniale,
caïds, chefs de fraction, gardes champêtres. Faute de candidatures ou de
remplaçants, l’administration française est disloquée; son armature considérée
comme insuffisante ne trouve aucun appui parmi le peuple; dans presque toutes
les régions elle coexiste avec l’autorité du FLN.
Cette lente mais profonde désagrégation de
l’administration française a permis la naissance puis le développement d’une
dualité de pouvoir. Déjà fonctionne une administration révolutionnaire avec des
djemaa clandestines et des organismes s’occupant du ravitaillement, de
perception d’impôts, de la justice, du recrutement de moudjahidine, des
services de sécurité et de renseignements. L’administration du FLN prendra un
nouveau virage avec l’institution des assemblées du peuple qui seront élues par
les populations rurales avant le deuxième anniversaire de notre révolution.
Le sens politique du FLN s’est vérifié d’une façon
éclatante par l’adhésion massive des paysages pour lesquels la conquête de
l’indépendance nationale signifie en même temps la réforme agraire qui leur
assurera la possession des terres qu’ils fécondent de leur labeur.
Cela se traduit par l’éclosion d’un climat
insurrectionnel qui s’est étendu avec rapidité et une forme variée à tout le
pays.
La présence d’éléments citadins, politiquement mûrs et
expérimentés, sous la direction lucide du FLN, a permis la politisation des
régions retardataires. L’apport des étudiants a été d’une grande utilité,
notamment dans les domaines politiques, administratif et sanitaire.
Ce qui est certain, c’est que la Révolution Algérienne
vient de dépasser avec honneur une première étape historique.
C’est une réalité vivante ayant triomphé du pari
stupide du colonialisme français prétendant la détruite en quelques mois.
C’est une révolution organisée et non une révolte
anarchique.
C’est une lutte nationale pour détruire le régime
anarchique de la colonisation et non une guerre religieuse. C’est une marche en
avant dans le sens historique de l’humanité et non un retour vers le
féodalisme.
C’est en fin la lutte pour la renaissance d’un Etat
Algérien sous la forme d’une république démocratique et sociale et non la
restauration d’une monarchie ou d’une théocratie révolues.
c. La
faillite des anciennes formations politiques.
La Révolution Algérienne a accéléré la maturité
politique du peuple algérien. Elle lui a montré, à la lumière de l’expérience
décisive du combat libérateur, l’impuissance du réformisme et la stérilité du
charlatanisme contre-révolutionnaire.
La faillite des vieux partis a éclaté au grand jour.
Les groupements divers ont été disloqués. Les
militants de base ont rejoint le FLN. L’UDMA dissoute et les Oulama se sont
alignés courageusement sur les positions du FLN ; l’UGEMA groupant tous les
universitaires et lycéens, a proclamé par la voix de son congrès unanime le
même sentiment.
Le Comité central du M.T.L.D. a complètement disparu
en tant que regroupement ex-dirigeants et en tant que tendance politique.
Le Messalisme en
déroute
L e M.N.A., en dépit de la démagogie et de la
surenchère, n’a pas réussi à surmonter la crise mortelle du M.T.L.D. Il
conservait une assise organique seulement en France du fait de la présence de
Messali en exil, de l’ignorance totale des émigrés de la réalité algérienne.
C’est de là que partaient les mots d’ordre, les fonds
et les hommes en vue de la création en Algérie de groupes armés ou de maquis
dissidents, destinés non à la participation à la lutte contre l’ennemi exécré
des opérations de provocation et à saboter par le défaitisme, le désordre et
l’assassinat, la Révolution Algérienne et ses dirigeants militaires et
politiques.
L’activité sporadique et brève du M.N.A. s’était
manifestée publiquement, dans les rares villes telles Alger, comme une secte
contre-révolutionnaire dans des opérations de division (campagne antimozabite),
de gangstérisme(racket de commerçants), de confusion et de mensonges (Messali,
soi-disant créateur et chef de l’Armée de Libération Nationale).
Le messalisme a perdu sa valeur de courant politique.
Il est devenu de plus en plus un état d’âme qui s’étiole chaque jour.
Il est particulièrement significatif que les derniers
admirateurs et défenseurs de Messali soient précisément les journalistes et
intellectuels proches de la présidence du gouvernement français. Ils prétendent
dénoncer l’ingratitude du peuple algérien qui ne reconnaîtrait plus «les
mérites exceptionnels de Messali, le créateur, il y a trente ans, du
nationalisme algérien ».
La psychologie de Messali s’apparente à la conviction
insensée du coq de la fable qui ne se contente pas de constater l’aurore, mais
proclame « qu’il fait lever le soleil ».
Le nationalisme Algérien dont Messali revendique
effrontément l’initiative est un phénomène de caractère universel, résultat
d’une évolution naturelle suivie par tous les peuples sortant de leur
léthargie.
Le soleil se lève sans que le coq soit pour quelque
chose, comme la Révolution Algérienne triomphe sans que Messali y ait aucun
mérite.
Cette apologie du messalisme dans la presse française
était un indice sérieux de la préparation psychologique d’un climat artificiel favorable
à une manœuvre de grande envergure contre la Révolution Algérienne.
C’est la division, arme classique du colonialisme.
Le gouvernement français a tenté en vain d’opposer au
FLN des groupements modérés, voire même le groupe des «61». Ne pouvant plus
compter sur les Sayah ou Farès, le béni-oui-ouisme étant discrédité d’une façon
définitive et sans retour, le colonialisme français espérait utiliser le chef
du MNA dans son ultime manœuvre diabolique pour tenter de voler au peuple
algérien sa victoire.
Dans cette perspective, Messali représente, en raison
de son orgueil et de son manque de scrupules, l’instrument parfait pour la
politique impérialiste.
Ce n’est dons pas par hasard que Jacques Soustelle
pouvait affirmer en novembre 1956 au professeur Massignon : « Messali est ma
dernière carte ».
Le ministre résidant Lacoste ne se gêne pas pour
confier à la presse colonialiste algérienne sa satisfaction de voir le MNA
s’efforcer uniquement d’affaiblir le FLN.
L’hebdomadaire socialiste «Demain», dévoilant
les divergences tactiques divisant les gouvernants français, pouvait écrire que
certains ministres étaient disposés, pour empêcher le renforcement du FLN à
accorder à Messali sa liberté totale, «le seul problème étant de protéger la
vie du leader algérien».
Quand on se rappelle que Messali s’est livré à une
violente attaque contre les pays arabes, ce qui ne peut que réjouir les
Soustelle, Lacoste et Borgeaud, son déplacement d’Angoulême à Belle-Isle
justifie la thèse du journal «Demain».
Lorsque la vie de Messali est si précieuse pour le
colonialisme français, faut-il s’étonner de le voir glisser vers la trahison
consciente.
Le Communisme Absent
Le P.C.A., malgré son passage dans l’illégalité et la
publicité tapageuse dont la presse colonialiste l’a gratifié pour justifier la
collusion imaginaire avec la Résistance Algérienne, n’a pas réussi à jouer un
rôle qui mériterait d’être signalé.
La direction communiste, bureaucratique, sans aucun
contact avec le peuple, n’a pas été capable d’analyser correctement la
situation révolutionnaire. C’est pourquoi elle a condamné le «terrorisme» et
ordonné dès les premiers mois de l’insurrection aux militants des Aurès, venus
à Alger chercher des directives, DE NE PAS PRENDRE LES ARMES.
La sujétion au P.C.F. a pris le caractère d’un
Béni-oui-ouisme avec le silence qui a suivi le vote des pouvoirs spéciaux.
Non seulement les communistes algériens n’ont pas eu
suffisamment de courage pour dénoncer cette attitude opportuniste du groupe
parlementaire, mais ils n’ont pas soufflé mot sur l’abandon de l’action
concrète contre la guerre d’Algérie : manifestations contre les renforts de
troupes, grèves de transports, de la marine marchande, des ports et des docks,
contre le matériel de guerre.
Le P.C.A. a disparu en tant qu’organisation sérieuse à
cause surtout de la prépondérance en son sein d’éléments européens dont
l’ébranlement des convictions nationales algériennes artificielles a fait
éclater les contradictions face à la résistance armée.
Cette absence d’homogénéité et la politique
incohérente qui en résulte ont pour origine fondamentale la confusion et la
croyance en l’impossibilité de la libération nationale de l’Algérie avant le
triomphe de la révolution prolétarienne en France.
Cette idéologie qui tourne le dos à la réalité est une
réminiscence des conceptions de la S.F.I.O., favorable à la politique
d’assimilation passive et opportuniste.
Niant le caractère révolutionnaire de la paysannerie
et des fellahs algériens en particulier, elle prétend défendre la classe ouvrière
algérienne contre le danger problématique de tomber sous la domination directe
de la «bourgeoisie arabe», comme si l’indépendance nationale de l’Algérie
devait suivre forcément le chemin des Révolutions manquées, voire même de faire
marche arrière vers un quelconque féodalisme.
La C.G.T., subissant l’influence communiste, se trouve
dans une situation analogue et tourne à vide sans pouvoir énoncer et appliquer
le moindre mot d’ordre d’action.
La passivité générale du mouvement ouvrier organisé,
aggravée dans une certaine mesure par l’attitude néfaste des syndicats F.O. et
C.F.T.C., n’est pas la conséquence du manque de combativité des travailleurs
des bras croisés, les directives de Paris.
Les dockers d’Alger en ont donné la preuve en
participant à la grève politique anniversaire du 1er novembre 1956.
Nombreux furent les travailleurs qui ont compris que
cette journée d’action patriotique aurait revêtu un caractère d’unanimité
nationale, plus démonstrative, plus dynamique, plus féconde, si les organisations
ouvrières avaient été entraînées intelligemment dans la lutte générale par une
véritable centrale syndicale nationale. Cette appréciation juste se trouve
entièrement confirmée dans les succès complets de la grève générale patriotique
du 5 juillet 1956.
Voila pourquoi les travailleurs algériens ont salué la
naissance de l’U.G.T.A., dont le développement continu est irrésistible, comme
l’expression de leur désir impatient de prendre une part plus active à la
destruction du colonialisme, responsable du régime de misère, de chômage,
d’émigration et d’indignité humaine.
Cette extension du sentiment national, en même temps
que son passage à niveau qualificatif plus élevé, n’a manqué de réduire, comme
une peau de chagrin, la base de masse du P.C.A., déjà rétrécie par la perte des
éléments européens hésitants et instables.
On assiste cependant à certaines initiatives émanant à
titre individuel de certains communistes s’efforçant de s’infiltrer dans les
rangs du F.L.N. et de l’A.L.N. Il est possible qu’il s’agisse là de sursauts
individuels pour retourner à une saine conception de la libération nationale.
Il est certain que le P.C.A. essaiera dans l’avenir
d’exploiter ces « placements » dans le but de cacher son isolement total et son
absence dans le combat historique de la Révolution Algérienne.
B) LA
STRATEGIE IMPERIALISTE FRANCAISE.
La Révolution Algérienne, détruisant impitoyablement
tous les pronostics colonialistes et faussement optimistes, continue de se
développer avec une vigueur exceptionnelle, dans une phase ascendante de longue
portée.
Elle ébranle et ruine ce qui reste de l’empire
colonial français en déclin.
Les gouvernements successifs de Paris sont en proie à
une crise politique sans précédant. Obligés de lâcher les colonies d’Asie, ils
croient pouvoir conserver celles d’Afrique. Ne pouvant faire face au «
pourrissement » de l’Afrique du Nord, ils ont lâché du lest en Tunisie et au
Maroc pour tenter de garder l’Algérie.
a) La leçon des expériences tunisiennes et marocaines.
Cette politique sans perspectives réalistes s’est
traduite notamment par la succession rapide de défaites morales dans tous les
secteurs :
Mécontentement en France, grèves ouvrières, révoltes
de commerçants, agitation chez les paysans, déficit budgétaire, inflation,
sous-production, marasme économique, question algérienne à l’ONU, abandon de la
Sarre en Allemagne.
La poussée révolutionnaire nord-africaine, malgré
l’absence d’une stratégie politique commune en raison de la faiblesse organique
de ce qu’a été le Comité de Libération du Maghreb, a acculé le colonialisme
français à improviser une tactique défense hâtive, bouleversant tous les plans
de la répression esclavagiste traditionnelle.
Les conventions franco-tunisiennes qui devaient jouer
le rôle de barrage néo-colonialiste ont été dépassées sous la pression
conjuguée du mécontentement populaire et des coups portés à l’impérialisme dans
les trois pays frères.
Le rythme de l’évolution de la crise marocaine,
l’entrée en lutte armée des montagnards venant renforcer la résistance
citadine, et surtout la pression de la révolution algérienne ont été parmi les
facteurs les plus déterminants du revirement de l’attitude officielle française
et de l’indépendance marocaine.
Le brusque changement de méthode du gouvernement
colonialiste abandonnant l’immobilisme pour s’engager dans la recherche d’une
solution rapide était dicté d’abord par des raisons de caractère stratégique.
Il s’agissait :
1°) D’empêcher la constitution d’un véritable second
front, en mettant fin à l’unification de la lutte armée au RIFF et en ALGERIE.
2°) D’achever de briser l’unité de combat des trois
pays d’Afrique du Nord.
3°) D’isoler la Révolution Algérienne dont le
caractère populaire la rendait nettement plus dangereuse.
Tous les calculs ont été voués à l’échec. Les
négociations menées séparément avaient pour but de tenter de duper ou de corrompre
certains dirigeants des pays frères en les poussant à abandonner consciemment
ou inconsciemment le terrain réel de la lutte révolutionnaire jusqu’au bout.
La situation politique nord-africaine est caractérisée
par le fait que le problème algérien se trouve encastré dans les problèmes
marocain et tunisien pour n’en faire qu’un seul.
En effet, sans l’indépendance de l’Algérie, celle du
Maroc et de la Tunisie est un leurre.
Les Tunisiens et les Marocains n’ont pas oublié que la
conquête de leurs pays respectifs par la France a suivi la conquête de
l’ALGERIE.
Les peuples du MAGHREB sont aujourd’hui convaincus par
l’expérience que la lutte en ordre dispersé contre l’ennemi commun n’a pas
d’autre issue que la défaite pour tous, chacun pouvant être écrasé séparément.
C’est une aberration de l’esprit que de croire que le
Maroc et la Tunisie pouvaient jouir d’une indépendance réelle alors que
l’Algérie restera sous le joug colonial.
Les gouvernants colonialistes, experts en hypocrisie
diplomatique, reprenant d’une main ce qu’ils cèdent de l’autre, ne ma, queront
pas de songer à la reconquête de ces pays dès la conjoncture internationale
leur semblera favorable.
D’ailleurs, il est important de souligner que les
leaders marocains et tunisiens formulent dans des déclarations récentes et
renouvelées des points de vue rejoignant l’appréciation du FLN.
b) La politique algérienne du gouvernement.
Le gouvernement à direction socialiste dès le 6
février, après la manifestation ultra colonialiste d’Alger, a abandonné les promesses
électorales du Front républicain : Ramener la paix en Algérie par la
négociation, renvoyer dans leurs foyers les soldats du contingent, briser les «
féodalités » administratives et financières, libérer les prisonniers
politiques, fermer les camps de concentration.
Si, avant la démission de Mendès-France, celui-ci
représentait au gouvernement la tendance à la négociation face à la tendance
opposée, animée furieusement par Bourgès-Maunoury et Lacoste, aujourd’hui,
c’est la politique Lacoste qui fait l’unanimité. C’est la guerre à outrance qui
a pour but chimérique de tenter d’isoler le maquis du peuple par
l’extermination.
Devant cet objectif accepté par l’unanimité du
gouvernement et la presque totalité du parlement français, il ne peut exister
aucune divergence, sauf quand cette politique d’extermination dite «de
pacification » aura échouée. Il est clair que les buts politiques déclarés à
nouveau par Guy Mollet ne servent qu’à camoufler l’entreprise réelle qui veut
être le nettoyage, par le vide, de toutes nos forces vives.
L’offensive militaire est doublée d’une offensive
politique condamnée, d’avance, à un échec.
La «reconnaissance de la personnalité algérienne»
reste une formule vague sans contenu réel, concret, précis. La solution
politique exprimée d’une façon schématique n’avait au début d’autres supports
que deux idées-forces : celle de la consultation des Algériens par des
élections libres et celle du cessez-le-feu. Les réformes fragmentaires et
dérisoires étaient proclamées dans l’indifférence générale : provisoirement pas
de représentation parlementaire au Palais Bourbon, dissolution de l’Assemblée
algérienne, épuration timide de la police, remplacement de «trois» hauts
fonctionnaires, augmentation des salaires agricoles, accès des musulmans à la
fonction publique et à certains postes de directions, réforme agraire,
élections au collège unique. Aujourd’hui le gouvernement Guy Mollet annonce
l’existence de 6 ou 7 projets de statuts pour l’Algérie, dont la ligne générale
serait la création de deux assemblées, la première législative, la seconde
économique, avec un gouvernement composé de ministres ou de commissaires et
présidé d’office par un ministre du gouvernement français.
Cela démontre d’une part l’évolution, grâce à notre
combat, de l’opinion publique en France, et d’autre part le rêve insensé des
gouvernants français de croire que nous accepterions un compromis honteux de ce
genre.
La tentative d’isoler les maquis de la solidarité du
peuple algérien, préconisée par Naegelen sur le plan intérieur, devait être
complétée par la tentative d’isoler la Révolution Algérienne de la solidarité
des peuples anti-colonialistes, engagée par Pineau sur le plan extérieur.
Le FLN déjouera comme par le passé les plans futurs de
l’adversaire.
Nous mentionnerons l’appréciation sur la situation
internationale dans la troisième partie.
II) LES
PERSPECTIVES POLITIQUES
La preuve est faite que la Révolution Algérienne n’est
pas une révolte de caractère anarchique, localisée, sans coordination, sans
direction politique, vouée à l’échec.
La preuve est faite qu’il s’agit au contraire d’une
véritable révolution organisée nationale et populaire, centralisée, guidée par
un état-major capable de la conduire jusqu’à la victoire finale.
La preuve est faite que le gouvernement français,
convaincu de l’impossibilité d’une solution militaire, est obligé de rechercher
une solution politique.
Voilà pourquoi le FLN, inversement, doit se pénétrer
de ce principe :
La négociation suit la lutte à outrance contre un
ennemi impitoyable, elle ne la précède jamais.
Notre position à cet égard est fonction de trois
considérations essentielles pour bénéficier du rapport des forces :
1°) Avoir une doctrine politique claire ;
2°) Développer la lutte armée d’une façon incessante
jusqu’à l’insurrection générale ;
3°) Engager une action politique d’une grande
envergure.
A) POURQUOI NOUS COMBATTONS !
La Révolution Algérienne a la mission historique de
détruire de façon définitive et sans retour le régime colonial odieux,
décadent, obstacle au progrès et à la paix.
I. Les
buts de guerre ;
II. Le
cessez-le-feu ;
III. Négociations
pour la paix.
I. Les buts de guerre
Les buts de guerre, c’est le point final de la guerre
à partir duquel se réalisent les buts de paix. Les buts de guerre, c’est la
situation à laquelle on accule l’ennemi pour lui faire accepter nos buts de
paix. Ce peut être la victoire militaire ou bien la recherche d’un
cessez-le-feu ou d’un Armistice en vue de négociations. Il ressort que, vu
notre situation, nos buts de guerre sont politico-militaires. Ce sont :
1°) L’affaiblissement total de l’Armée française, pour
lui rendre impossible une victoire par les armes ;
2°) La détérioration sur une grande échelle de
l’économie colonialiste par le sabotage, pour rendre impossible
l’administration normale du pays ;
3°) La perturbation au maximum de la situation en
France sur le plan économique et social, pour rendre impossible la continuation
de la guerre;
4°) L’isolement politique(de la France) en Algérie et
dans le monde ;
5°) Donner à l’insurrection un développement tel qu’il
la rend conforme au droit international(personnalisation de l’armée, pouvoir
politique reconnaissable, respect des lois de la guerre, administration normale
de zones libérées par l’ALN) ;
6°) Soutenir constamment le peuple devant les efforts
d’extermination des Français.
II. Cessez- le-feu
Conditions
a) Politiques :
1°)
Reconnaissance de la Nation Algérienne indivisible.
Cette
clause est destinée à faire disparaître la fiction colonialiste de « Algérie
française ».
2°)
Reconnaissance de l’indépendance de l’Algérie et de sa souveraineté dans tous
les domaines, jusque et y compris la défense nationale et la diplomatie.
3°)
Libération de tous les Algériens et Algériennes emprisonnés, internés ou exilés
en raison de leur activité patriotique avant et après l’insurrection nationale
du 1er novembre 1954.
4°)
Reconnaissance du FLN comme une seule organisation représentant le peuple
algérien et seule habilitée en vue de toute négociation. En contre-partie, le
FLN est garant et responsable du cessez-le-feu au nom du peuple algérien.
b) Militaires
Les conditions militaires seront précisées
ultérieurement.
III. Négociations pour la paix
1°) Les conditions sur le cessez- le- feu étant
remplies, l’interlocuteur valable et exclusif pour l’Algérie demeure le FLN.
Toutes les questions ayant trait à la représentativité du peuple algérien sont
du ressort exclusif du FLN (gouvernement, élections, etc….). Aucune ingérence
de ce fait de la part du gouvernement français n’est admise.
2°) Les négociations se font sur la base de
l’indépendance (diplomatie et défense nationale incluses).
3°) Fixation des points de discussions :
- Limites du territoire
algérien(limites actuelles y compris le Sahara algérien) ;
- Minorité française(sur la base de l’option entre :
citoyenneté algérienne ou étrangère - pas de régime préférentiel - pas de
double citoyenneté algérienne et française) ;
- Biens français: de
l’Etat français, des citoyens français ;
- Transfert des compétences(administration)
;
- Formes d’assistance et de coopération françaises
dans les domaineséconomiques, monétaire, social, culturel, etc.…. ;
- Autres points.
Dans une deuxième phase, les négociations sont menées
par un gouvernement chargé de préciser le contenu des têtes de chapitre. Ce
gouvernement est issu d’une assemblée constituante, elle-même issue d’élections
générales.
La Fédération Nord-africaine
L’Algérie libre et indépendante, brisant le
colonialisme racial fondé sur l’arbitraire colonial, développera sur des bases
nouvelles l’unité et la fraternité de la Nation Algérienne dont la renaissance
fera rayonner sa resplendissante originalité.
Mais les Algériens ne laisseront jamais leur culte de
la Patrie, sentiment noble et généreux, dégénérer en un nationalisme chauvin,
étroit et aveugle.
C’est pourquoi ils sont en même temps des
Nord-Africains sincères attachés, avec passion et clairvoyance, à la solidarité
naturelle et nécessaire des trois pays du Maghreb.
L’Afrique du Nord est un TOUT par : La
géographie, l’histoire, la langue, la civilisation, le devenir.
Cette solidarité doit donc se traduire naturellement
dans la création d’une Fédération des trois Etats nord-africains.
Les trois peuples frères ont intérêt pour le
commencement à organiser une défense commune, une orientation et une action
diplomatique communes, la liberté des échanges, un plan commun et rational
d’équipement et d’industrialisation, une politique monétaire, l’enseignement et
l’échange concerté des cadres techniques, les échanges culturels,
l’exploitation en commun de nos sous-sols et de nos régions sahariennes
respectives.
Les tâches nouvelles du FLN pour
préparer l’insurrection générale.
L’éventualité de l’ouverture des négociations pour la
Paix ne doit en aucun cas donner naissance à une griserie du succès, entraînant
inévitablement un dangereux relâchement de la vigilance et la démobilisation
des énergies qui pourrait ébranler la cohésion politique du peuple.
Au contraire, le stade actuel de la révolution
algérienne exige la poursuite acharnée de la lutte armée, la consolidation des
positions, le développement des forces militaires et politiques de la
Résistance.
L’ouverture des négociations et leur conduite à bonne
fin sont conditionnées d’abord par le rapport des forces en présence.
C’est pourquoi, sans désemparer, il faut travailler
avec ensemble et précision pour transformer l’Algérie en un camp retranché,
inexpugnable. Telle est la tâche que doivent remplir avec honneur et sans délai
le FLN et son Armée de Libération Nationale.
Dans ce but, reste valable plus que jamais le mot
d’ordre fondamental :
Tout pour le Front de la Lutte
Armée.
Tout pour obtenir une victoire
décisive.
L’indépendance de l’Algérie n’est
plus la revendication politique, le rêve qui a longtemps bercé le peuple
algérien courbé sous le joug de la domination française.
C’est aujourd’hui un but immédiat qui se rapproche à
une allure vertigineuse pour devenir, très bientôt, une lumineuse réalité.
Le FLN marche à pas de géants pour dominer la
situation sur le plan militaire, politique et diplomatique.
Objets nouveaux : préparer
dès maintenant, d’une façon systématique,l’insurrection générale,
inséparable de la libération nationale.
a) Affaiblir
l’armature militaire, policière, administrative et politique du colonialisme ;
b) Porter
une grande attention, et d’une manière ininterrompue, aux cotés techniques de
la question, notamment l’acheminement du maximum de moyens matériels ;
c) Consolider
et élever la synchronisation de l’action politico-militaire.
Faire face aux inévitables manœuvres de division, de
divergence ou d’isolement lancé par l’ennemi, par une contre-offensive
intelligente et vigoureuse basée sur l’amélioration et le renforcement de la
Révolution populaire libératrice.
a)
Cimenter l’union nationale anti-impérialiste ;
b) S’appuyer
d’une façon plus particulière sur les couches sociales les plus nombreuses, les
plus pauvres, les plus révolutionnaires, fellahs, ouvriers agricoles ;
c) Convaincre
avec patiente et persévérance les éléments retardataires, encourager les
hésitants, les faibles, les modérés, éclairer les inconscients ;
d)
Isoler les ultra-colonialistes en recherchant l’alliance des éléments libéraux,
d’origine européenne ou juive, même si leur action est encore timide ou
neutraliste.
Sur
le plan extérieur, rechercher le maximum de soutien matériel, moral et
psychologique.
a) Augmenter
le soutien de l’opinion publique ;
b) Développer
l’aide diplomatique en gagnant à la cause algérienne les gouvernements des pays
neutralisés par la France ou insuffisamment informés sur le caractère national
de la guerre d’Algérie.
III) MOYENS
D’ACTION ET DE PROPAGANDE
Les perspectives politiques générales tracées
précédemment mettent en relief la valeur et la variété des moyens d’action que
le FLN doit engager pour assurer la victoire complète du noble combat pour
l’indépendance de la patrie martyre.
Nous allons en préciser les grandes lignes sur le plan
algérien, nord-africain, français et étranger.
1°) Comment organiser et diriger
des millions d’hommes dans un gigantesque combat .
L’union psyco-politique du peuple algérien forgée et
consolidée dans la lutte armée est aujourd’hui une réalité historique.
Cette union nationale, patriotique, anticolonialiste,
constitue la base fondamentale de la principale force politique et militaire de
la Résistance.
Il convient de la maintenir intacte, inentamée,
dynamique, en évitant parfois les fautes impardonnables de sectarisme ou
d’opportunisme, pouvant favoriser les manœuvres diaboliques de l’ennemi.
Le meilleur moyen d’y parvenir, c’est de maintenir le
FLN comme guide unique de la Révolution Algérienne ; cette condition ne doit
pas être interpréter comme un sentiment de vanité égoïste ou un esprit de
suffisance aussi dangereux que méprisable.
C’est l’expression d’un principe révolutionnaire :
réaliser l’unité de commandement dans un état-major qui a déjà donné les
preuves de sa capacité, de sa clairvoyance, de sa fidélité à la cause du peuple
algérien.
Il ne faut jamais oublier que, jusqu’au déclenchement
de la Révolution, la force de l’impérialisme français ne résidait pas seulement
dans sa puissance militaire et policière, mais aussi dans la faiblesse du pays
dominé, divisé, mal préparé à la lutte organisée, et surtout, pendant une
longue période, de l‘insuffisance politique des dirigeants des diverses
fractions du mouvement anti-colonialiste.
L’existence d’un FLN puissant, prolongeant ses racines
profondes dans toutes les couches du peuple, est une des garanties
indispensables.
a) Installer
organiquement le FLN dans tout le pays, dans chaque ville, village, mechta,
quartier, entreprise, ferme, université, collège, etc.. ;
b) Politiser le maquis ;
c) Avoir une politique
de cadres formés politiquement, éprouvés, veillant au respect de la structure
de l’organisation, vigilants, capables d’initiatives ;
d) Répondre avec
rapidité et clarté à tous les mensonges, dénoncer les provocations, populariser
les mots d’ordre du FLN en éditant une littérature abondante, variée touchant
les secteurs même les plus restreints.
Multiplier les centres de propagande avec machines à
écrire, papier, ronéo(reproduction des documents nationaux et édition de bulletins
ou tracts locaux).
Editer brochure sur la Révolution et bulletin
intérieur pour directives et conseils aux cadres.
Bien se pénétrer de ce principe : La propagande n’est
pas l’agitation qui se caractérise par la violence verbale, souvent stérile et
sans lendemain. En ce moment ou le peuple algérien est mûr pour l’action armée
positive et féconde, le langage du FLN doit traduire sa maturité en prenant la
forme sérieusement, mesurée et nuancée sans manquer pour cela de la fermeté, de
la franchise et de la flamme révolutionnaire.
Chaque tract, déclaration, interview ou proclamation
du FLN a aujourd’hui une résonance internationale. C’est pourquoi nous devons
agir avec un réel esprit de responsabilité qui fasse honneur au prestige
mondial de l’Algérie en marche vers la liberté et l’indépendance.
2°) Clarifier le climat politique
Pour conserver juste l’orientation de la Résistance
toute entière, dressée pour détruire l’ennemi séculaire, nous devons balayer
tous les obstacles et tous les écrans sur notre chemin par les éléments
conscients ou inconscients d’une action néfaste, condamnés par l’expérience.
3°) Transformer le torrent
populaire en énergie créatrice
Le FLN doit être capable de canaliser les immenses
vagues qui soulèvent l’enthousiasme patriotique de la nation. La puissance
irrésistible de la colère populaire ne doit pas se perdre comme la force
extraordinaire du torrent qui s’évanouit dans les sables.
Pour la transformer en énergie créatrice le FLN a
entrepris un colossal travail de brassage de millions d’hommes.
Il s’agit d’être présent partout.
Il faut organiser sous des formes multiples, souvent
complexes, toutes les branches de l’activité humaine.
A) Le Mouvement Paysan
La participation massive de la population des fellahs,
khammès et ouvriers agricoles à la Révolution, la proportion dominante qu’elle
représente dans les moudjahidine ou moussebiline de l’Armée de Libération
Nationale ont profondément marqué le caractère de la Résistance algérienne.
Pour en mesurer l’importance exceptionnelle, il suffit
d’examiner le revirement spectaculaire de la politique agraire colonialiste.
Alors que cette politique était basée essentiellement
sur le vol des terres (habous, arch, melk) les expropriations s’étant
poursuivies jusqu’en 1945-46, le gouvernement français préconise aujourd’hui la
réforme agraire. Il ne recule pas devant la promesse de distribuer une partie
des terres d’irrigation, en mettant en application la loi Martin restée lettre
morte à la suite du veto personnel d’un haut fonctionnaire au service de la
grosse colonisation. Lacoste lui-même ose envisager, dans ce cas, une mesure
révolutionnaire : l’expropriation d’une partie des grands domaines.
Par souci d’équilibre, pour apaiser la furieuse
opposition des gros colons, le gouvernement français a décidé la réforme du
Khammessat. C’est là une mesure trompeuse tendant à faire croire à l’existence
d’une rivalité intestine entre fellahs et Khammés, alors que le métayage a déjà
évolué naturellement vers un processus plus équitable, sans l’intervention
officielle, pour se transformer généralement en « chourka benés » ou l’association
par moitié.
Ce changement de tactique traduit le profond désarroi
du colonialisme voulant tenter de tromper la paysannerie pour la détacher de la
Révolution.
Cette manœuvre grossière de dernière heure ne dupera
pas les fellahs qui ont déjà mis en échec la vielle chimère des «affaires
indigènes» séparant artificiellement les Algériens en Berbères et Arabes
hostiles.
Car la population paysanne est profondément convaincue
que sa soif de terre ne pourra être satisfaite que par la victoire de
l’indépendance nationale.
La véritable réforme patriotique de la misère des
campagnes, est inséparable de la destruction totale du régime colonial.
Le FLN doit s’engager dans cette politique juste,
légitime et sociale. Elle aura pour conséquence :
a) La haine irréductible à l’endroit du colonialisme
français, de son administration, de son armée, de sa police et des traîtres
collaborateurs.
b) La constitution de réserves humaines inépuisables
pour l’ALN et la Résistance ;
c) L’extension de l’insécurité dans les
campagnes(sabotages, incendies de fermes, destruction des tabacoops et des
vinicoops, symboles de la présence colonialiste) ;
d) La création des conditions pour la consolidation et
l’organisation de nouvelles zones libérées.
B) Le Mouvement Ouvrier
La classe ouvrière peut et doit apporter une
contribution plus dynamique pouvant conditionner l’évolution rapide de la
Révolution, sa puissance et son succès final.
Le FLN salue la création de l’U.G.T.A. comme
l’expression d’une saine réaction des travailleurs contre l’influence
paralysante des dirigeants de la C.G.T., de F.O. et de la C.F.T.C..
L’U.G.T.A. aide la population salariée à sortir du
brouillard de la confusion et de l’attentisme.
Le gouvernement socialiste français et la direction
néo-colonialiste de F.O. sont inquiets de l’affiliation internationale de
l’U.G.T.A. à la C.I.S.L., dont l’aide à l’U.G.T.A. et à la Centrale marocaine a
été positive dans divers domaines nationaux et extérieurs.
La naissance et le développement de l’U.G.T.A. ont eu
en effet un profond retentissement. Son existence a provoqué immédiatement un
violent remous au sein de la C.G.T, abandonnée en masse par les travailleurs.
Les dirigeants communistes ont essayé vainement de retenir les cadres les plus
conscients en essayant de retrouver sous les cendres l’esprit de l’ancienne
C.G.T.U. dont le mot d’ordre de l’indépendance de l’Algérie fut enterré au
lendemain de l’unité syndicale en 1935.
Mais pour devenir une centrale nationale, il ne suffit
pas à la filiale de la C.G.T. parisienne de modifier le titre, ni de changer la
couleur de la carte, ni même de couper un cordon ombilical atrophié.
Pour s’adapter aux fonctions nouvelles du mouvement
ouvrier ayant déjà atteint l’âge adulte, il ne suffisait pas à l’U.G.S.A. de
changer de forme ou d’aspect extérieur. Quiconque observe les velléités
communistes, ne peut manquer de retrouver le rythme et la méthode
colonialistes, qui ont présidé à la transformation des délégations financières
en la bâtarde Assemblée Algérienne.
L’accession de certains militants à des postes de
direction syndicale rappelle singulièrement la promotion symbolique de certains
élus-administratifs.
Dans les deux cas, il aurait fallu changer le but, la nature
et le contenu du Foyer civique et du Palais Carnot.
L’incapacité de la direction du P.C.A. sur le plan
politique ne pouvait que se traduire sur le plan syndical et entraîner la même
faillite.
L’U.G.T.A. est le reflet de la profonde transformation
qui s’est produite dans le mouvement ouvrier, à la suite d’une longue évolution
et surtout après le bouleversement révolutionnaire provoqué par la lutte pour
l’indépendance nationale.
La nouvelle centrale algérienne diffère des autres
organisations C.G.T.F.O. et C.F.T.C. dans tous les domaines, notamment par
l’absence de tutelle, le choix de l’état-major, la structure rationnelle,
l’orientation juste et la solidarité fraternelle en Algérie, en Afrique du Nord
et dans le monde entier.
1°) Le caractère national se traduit non seulement par
une indépendance organique, détruisant les contradictions inhérentes à une
tutelle étrangère, mais aussi par une liberté totale dans la défense des
travailleurs dont les intérêts vitaux se confondent avec ceux de toute la
nation algérienne.
2°) La direction est formée non par des éléments issus
d’une minorité ethnique n’ayant jamais subi l’oppression coloniale, toujours
enclins au paternalisme, mais par des patriotes dont la conscience nationale
aiguise la combativité contre la double pression de l’exploitation sociale et
de la haine raciale.
3°) La « colonne vertébrale » est constituée non par
une aristocratie ouvrière(fonctionnaires et cheminots) mais par les couches les
plus nombreuses et les plus exploitées(dockers, mineurs, ouvriers agricoles,
véritables parias jusqu’ici abandonnés honteusement à la merci des seigneurs de
la vigne.
4°) Le souffle révolutionnaire purifie le climat
syndical non seulement en chassant l’esprit néo-colonialiste et le chauvinisme
national qu’il engendre, mais en créant les conditions pour l’épanouissement
d’une fraternité ouvrière, imperméable au racisme.
5°) L’action syndicale, maintenue longtemps dans le
cadre étroit des revendications économiques et sociales, isolée de la perspective
générale, est devenue non un frein dans la lutte anti-colonialiste mais un
accélérateur dans le combat pour la liberté et la justice sociale ;
6°) La population laborieuse algérienne, jugée
jusqu’ici comme mineure ne méritant pas l’émancipation, est appelée, non à
occuper un rang subalterne dans le mouvement social français, mais à coopérer
brillamment avec le mouvement ouvrier nord-africain et international ;
7°) L’U.G.S.A. -C.G.T-, se verra inévitablement
contrainte de se dissoudre à l’exemple des organisations similaires de Tunisie
et du Maroc pour céder entièrement la place à l’U.G.T.A., centrale nationale
authentique et unique, groupant tous les travailleurs algériens sans
distinction.
Le FLN ne doit pas négliger le rôle politique qu’il
peut jouer pour aider et compléter l’action syndicale indépendante de
l’U.G.T.A. en vue de sa consolidation et de son renforcement.
Les militants FLN doivent être parmi les plus dévoués,
les plus actifs, toujours soucieux de respecter les règles démocratiques selon
la tradition en honneur dans le mouvement ouvrier libre.
Pas de schématisme: tenir compte de chaque situation
concrète et adapter les formes d’actions aux conditions particulières,
objectives de chaque corporation.
- Développer l’esprit
de combativité en organisant sans retard l’action revendicative sous une forme
souple et variée selon les conditions concrètes du moment(arrêt de travail
limité, grèves locales, corporatives, de solidarité) ;
- Entraîner dans
l’action, les travailleurs européens ;
- Concrétiser la
sympathie pour l’ALN en transformant en action de soutien la résistance :
souscriptions, fournitures aux combattants, actes de sabotage, grèves de
solidarité, grèves politiques.
C) Le Mouvement des Jeunes
La jeunesse algérienne a les qualités naturelles de
dynamisme, de dévouement et d’héroïsme.
De plus, elle se caractérise par un fait rare. Très
nombreuse, elle représente près de la moitié de la population totale, en
raison d’un développement démographique exceptionnel.
En outre, elle possède une qualité originale ; la
maturité précoce. En raison de la misère, de l’oppression coloniale, elle
passe rapidement de l’enfance à l’âge adulte ; la période de l’adolescence est
singulièrement réduite.
Elle suit avec passion, avec le mépris de la peur et
la mort, l’organisation révolutionnaire qui peut la conduire à la conquête de
son pur idéal de liberté.
La Révolution Algérienne, les exploits de l’ALN et
l’action clandestine du FLN répondent à sa témérité que nourrit le plus noble
sentiment patriotique.
C’est donc pour le FLN un levier inflexible d’une
puissance et d’une résistance formidables.
D) Intellectuels et Professions
Libérales
Le ralliement des intellectuels à la patrie
algérienne, le fait que la «francisation » n’a pas réussi à étouffer leur
conscience nationale, la rupture avec les positions idéalistes individualistes
ou réformistes, sont les preuves d’une saine orientation politique.
1°) Former des comités d’action des intellectuels
patriotiques :
a) Propagande : indépendance
de l’Algérie ;
b) Contacts avec les libéraux français ;
c) Souscriptions.
Le FLN devra assigner aux étudiants et étudiantes,
d’une manière rationnelle, des tâches précises dans les domaines ou ils peuvent
rendre le mieux : politique, administratif, culturel, sanitaire, économique,
etc…
2°) Organiser des services de santé :
a) Chirurgiens, médecins, pharmaciens en liaison avec
les hospitaliers(internes et infirmiers) ;
b) Soins, médicaments, pansements ;
c) Infirmiers
de campagne, traitement des malades et convalescents.
E) Commerçants et Artisans
A côté du syndicat commercial algérien, dominé par le
monopoleur Schiaffino, maître des chambres de commerce et le mouvement Poujade
raciste et colonial-fasciste, se trouvait le vide constitué par l’absence d’une
véritable Centrale commerciale et artisanale, dirigée par des patriotes pour
assurer la défense de l’économie algérienne.
L’U.G.C.A. prendra donc une place importante à côté de
l’organisation ouvrière sœur, l’U.G.T.A.
Le FLN doit l’aider à se dévelloper rapidement en
créant les conditions politiques les plus favorables :
1°) Lutte contre les impôts.
2°)
Boycott des grossistes colonialistes, poujadistes, apportant un soutien actif à
la guerre impérialiste.
F) Mouvement des Femmes
D’immenses possibilités existent et sont de plus en
plus nombreuses dans ce domaine.
Nous saluons avec émotion, avec admiration, l’exaltant
courage révolutionnaire des jeunes filles et des jeunes femmes, des épouses et
des mères ; de toutes nos sœurs « moudjahidates » qui participent activement,
et parfois les armes à la main, à la lutte sacrée pour la libération de la
Patrie.
Chacun sait que les Algériens ont chaque fois
participé activement aux insurrections nombreuses et renouvelées qui ont
dressé, depuis 1830, l’Algérie contre l’occupation française.
Les explosions principales de 1864 des Ouled Sidi
Cheikh du Sud Oranais, de 1871 en Kabylie, de 1916 dans les Aurès et la région
de Mascara ont illustré à jamais l’ardent patriotisme, allant jusqu’au
sacrifice suprême, de la femme algérienne.
Celle-ci est aujourd’hui convaincue que la Révolution
actuelle aboutira inexorablement à la conquête de l’indépendance.
L’exemple récent de la jeune fille kabyle qui repousse
une demande en mariage, parce que n’émanant pas d’un maquisard illustre d’une
façon magnifique le moral sublime qui anime les Algériennes.
Il est donc possible d’organiser dans ce domaine, avec
des méthodes originales propres aux mœurs du pays, un redoutable et efficace
moyen de combat.
a) Soutien moral des
combattants et des résistants ;
b) Renseignements,
liaisons, ravitaillement, refuges ;
c) Aide aux familles et
enfants de maquisards, de prisonniers ou d’internés.
4°) L a recherche des alliances.
Pour libérer leur patrie enchaînée, les Algériens
comptent d’abord sur eux-mêmes.
L’action politique, comme la science militaire,
enseignement qu’il ne faut négliger aucun facteur, même apparemment peu
important, pour assurer la victoire.
L’action politique le FLN a entrepris avec succès la
mobilisation de toutes les énergies nationales. Mais il ne laissera pas
l’ennemi colonialiste s’appuyer sur la totalité de la minorité ethnique en
Algérie, dresser contre nous l’opinion en France et nous priver de la
solidarité internationale.
A) Les Libéraux Algériens
A la différence de la Tunisie et du Maroc la minorité
ethnique d’origine européenne a une importance numérique dont il faut tenir
compte. Elle est renforcée par une immigration permanente jouissant d’une aide
officielle et fournissant au régime colonial une fraction importante de ses
soutiens les plus farouches, les plus obstinés, les plus racistes.
Mais en raison de ses privilèges inégaux, du rôle
qu’elle joue dans la hiérarchie économique, administrative et politique du
système colonialiste, la population d’origine européenne ne constitue pas un bloc
indissoluble autour de la grosse colonisation dirigeante.
L’esprit de race supérieure est général. Mais il se
manifeste sous des aspects nuancés, allant de la frénésie du type « sudiste » à
l’hypocrisie paternaliste.
Le colonialisme français, maître tout-puissant de
l’administration algérienne, de la police, du monopole de la presse, de la
radio, s’est montré souvent capable d’exercer une pression psychologique
pouvant cristalliser l’opinion publique autour d’une idée-force réactionnaire.
Le départ de Soustelle et la manifestation du 6
février ont été les preuves d’une grande habilité dans l’art de la provocation
et du complot.
Le résultat fut la capitulation du chef du
gouvernement français.
Pour atteindre son but, le colonialisme organisa la
panique. Il accusa le gouvernement d’abandonner la minorité ethnique
non-musulman à la « barbarie arabe », à la « guerre sainte », à un
Saint-Barthélemy plus immonde.
Le slogan fabriqué par le maître chanteur Reygasse et
diffusé par le bourreau Benquet-Crevaux, l’odieuse image « la valise ou le
cercueil » semblent aujourd’hui anodins.
Les anciens partis nationalistes n’ont pas toujours
accordé à cette question l’importance qu’elle mérite. Ne prêtant d’attention
que pour l’opinion musulmane, ils ont négligé souvent de relever comme il
convient des déclarations maladroites de certains charlatans ignorés, apportant
en fait de l’eau au moulin de l’ennemi principal.
Actuellement, la contre-offensive est encore faible.
La presse libérale de France ne put enrayer totalement le poison colonialiste.
Les moyens d’expression du FLN sont insuffisants.
Heureusement la Résistance Algérienne n’a pas fait de
faute majeure pouvant justifier les calomnies de la presse colonialiste du
service psychologique de l’armée colonialiste, convaincu de mensonges flagrants
par les témoignages de journalistes français et étrangers.
Voilà pourquoi le bloc colonialiste et raciste, sans
fissure le 6 février, commence à se désagréger. La panique a cédé la place peu
à peu à un sentiment plus réaliste. La solution militaire devant rétablir le
statu-quo est un mirage évident. La question dominante aujourd’hui, c’est le
retour à une paix négociée : quelle est la place qui sera faite à ceux qui
considèrent l’Algérie comme patrie toujours généreuse même après la disparition
du règne de Borgeaud ?.
Des tendances diverses apparaissent.
1°) Le neutralisme est le courant le plus important.
Il exprime le souhait de laisser les ultra-colonialistes défendre leurs
privilèges menacés par les nationalistes « extrémistes ».
2°) Les partisans d’une solution « intermédiaire » :
la négociation pour « une communauté algérienne à égale distance entre le
colonialisme français et le rétrograde impérialiste arabe » par la création
d’une double nationalité ;
3°) La tendance la plus audacieuse accepte
l’indépendance de l’Algérie et la nationalité algérienne, à la condition de
s’opposer à l’ingérence américaine, anglaise et égyptienne.
Cette analyse est sommaire. Elle n’a d’autre but que
de souligner la différenciation qui s’opère dans le large éventuel de l’opinion
publique européenne.
Ce serait donc une erreur impardonnable que de mettre
dans le « même sac » tous les Algériens d’origine européenne ou juive.
Comme il serait impardonnable de nourrir l’illusion de
pouvoir les gagner entièrement à la cause de la libération nationale.
L’objectif à atteindre, c’est l’isolement de l’ennemi
colonialiste qui opprime le peuple algérien.
Le FLN doit donc s’efforcer d’accentuer l’évolution de
ce phénomène psychologique en neutralisant une fraction importante de la
population européenne.
La Révolution Algérienne n’a pas pour but de « jeter à
la mer » les Algériens d’origine européenne, mais de détruire le joug colonial
inhumain.
La Révolution Algérienne n’est pas une guerre civile,
ni une guerre de religion.
La Révolution Algérienne veut conquérir l’indépendance
nationale pour installer une république démocratique et sociale garantissant
une véritable égalité entre tous les citoyens d’une même patrie, sans
discrimination.
B) La Minorité Juive
Ce principe fondamental, admis par la morale universelle,
favorise la naissance dans l’opinion israélite d’un espoir dans le maintien
d’une cohabitation pacifique millénaire.
D’abord, la minorité juive a été particulièrement
sensible à la campagne de démoralisation du colonialisme. Des représentants de
leur communauté ont proclamé au congrès mondial juif de Londres leur
attachement à la citoyenneté française, les mettant au-dessus de leurs
compatriotes musulmans.
Mais le déchaînement de la haine antisémite qui a
suivi les manifestations colonialo-fascistes ont provoqué un trouble profond
qui fait place à une saine réaction d’auto-défense.
Le premier réflexe fut de se préserver, du danger
d’être pris entre deux feux. Il se manifeste par la condamnation des Juifs,
membres du « 8 novembre » et du mouvement poujadiste, dont l’activité trop
voyante pouvait engendrer le mécontentement vindicatif contre toute la
communauté.
La correction inflexible de la Résistance Algérienne,
réservant tous ses coups au colonialisme, apparut aux plus inquiets comme une
qualité chevaleresque d’une noble colère des faibles contre les tyrans.
Des intellectuels, des étudiants, des commerçants
prirent l’initiative de susciter un mouvement d’opinion pour se désolidariser
des gros colons et des anti-juifs.
Ceux-là n’avaient pas la mémoire courte. Ils n’ont pas
oublié l’infâme souvenir du régime de Vichy. Pendant quatre ans, 185 lois,
décrets ou ordonnances les ont privés de leurs droits, chassés des
administrations et des universités, spoliés de leurs immeubles et de leurs
fonds de commerce, dépouillés de leurs bijoux.
Leurs coreligionnaires de France étaient frappés d’une
amende collective d’un millard. Ils étaient traqués, arrêtés, internés au camp
de Drancy et envoyés par wagons plombés en Pologne ou beaucoup périrent dans
les fours crématoires.
Au lendemain de la libération de la France, la
communauté juive algérienne retrouva rapidement ses droits et ses biens grâce à
l’appui des élus musulmans, malgré l’hostilité de l’administration pétainiste.
Aura-t-elle la naïveté de croire que la victoire des
ultra-colonialistes, qui sont précisément les mêmes qui l’ont persécuté,
naguère, ne ramènera pas le même malheur ?
Les Algériens d’origine juive n’ont pas encore
surmonté leur trouble de conscience, ni choisi de quel côté se diriger.
Espérons qu’ils suivront en grand nombre le chemin de
ceux qui ont répondu à l’appel de la patrie généreuse, donné leur amitié à la
Révolution en revendiquant déjà avec fierté, leur nationalité algérienne.
Cette option est basée sur l’expérience, le bon sens
et la clairvoyance.
En dépit du silence du Grand Rabbin d’Alger,
contrastant avec l’attitude réconfortante de l’Archevêque se dressant
courageusement et publiquement contre le courant et condamnant l’injustice
coloniale, l’immense majorité des Algériens s’est gardée de considérer la
communauté juive, comme passée définitivement dans le champ ennemi.
Le FLN a étouffé dans l’œuf des provocations
nombreuses préparées par les spécialistes du gouvernement général. En dehors du
châtiment individuel infligé aux policiers et contre-terroristes responsables
de crimes contre la population innocente, l’Algérie a été préservée de tout
progrom. Le boycottage des commerçants juifs, devant suivre le boycottage des
Mozabites a été enrayé même d’exploser.
Voilà pourquoi, le conflit arabo-israélien n’a pas eu,
en Algérie, de répercussions graves, ce qui aurait comblé le vœu des ennemis du
peuple algérien.
Sans puiser dans l’histoire de notre pays les preuves
de tolérance religieuse, de collaboration dans les plus hauts postes de l’Etat,
de cohabitation sincère, la Révolution Algérienne a montré par les actes,
qu’elle mérite la confiance de la minorité juive pour lui garantir sa part de
bonheur dans l’Algérie indépendante.
En effet, la disparition du régime colonial, qui s’est
servi de la minorité juive comme tampon pour atténuer les chocs
anti-impérialistes, ne signifie pas forcément sa paupérisation.
C’est une hypothèse absurde que de s’imaginer que«
l’Algérie ne serait rien sans la France ».
La prospérité économique des peuples affranchie est
évidente.
Le revenu national, plus important, assurera à tous
les Algériens une vie plus confortable.
Tenant compte de ce qui précède, le FLN recommande :
1°) Encourager et aider à la
formation de comités et mouvements de libéraux algériens, même ceux ayant au
départ des objectifs limités :
a) Comité d’action contre la guerre d’Algérie ;
b) Comité pour la négociation et la paix ;
c) Comité pour la nationalité algérienne ;
d) Comité de soutien des
victimes de la répression ;
e) Comité d’études du
problème algérien ;
f) Comité pour la
défense des libertés démocratiques ;
g) Comité pour le
désarmement des milices civiles ;
h) Comité d’aide aux
ouvriers agricoles(parrainage des syndicats, soutien des grèves, défense des
enfants et des femmes exploités).
2°) Intensifier la propagande
auprès des rappelés et des soldats du contingent :
a) Envoi de livres,
revues, journaux, tracts anti-colonialistes ;
b) Comité d’accueil des
permissionnaires ;
c) Théâtre : pièces
exaltant la lutte patriotique pour l’indépendance.
3°) Multiplier les comités de
femmes de mobilisés pour exiger le rappel de leurs maris.
C) L’Action du FLN en France
1°) Développer l’appui de
l’opinion libérale
L’analyse de l’éventail politique chez les libéraux en
Algérie peut être valable pour saisir les nuances de l’opinion publique en
France, sujette à des fluctuations rapides en raison de la sensibilité
populaire.
Il est certain que le FLN attache une certaine
importance à l’aide que peut apporter à la justice cause de la Résistance
Algérienne la partie éclairée du peuple français, insuffisamment informé des
horreurs indicibles perpétrées en son nom.
Nous apprécions la contribution des représentants du
mouvement libéral français tendant à faire triompher la solution politique,
pour éviter une effusion de sang inutile.
La Fédération FLN en France, dont la direction est
aujourd’hui renforcée à Paris, a une tâche politique de premier plan pour
annuler l’effet négatif de la pression réactionnaire et colonialiste.
1°) Contacts politiques avec les organisations,
mouvements et comités contre la guerre coloniale.
- Presse, meetings,
manifestations et grèves contre le départ des soldats, la manutention et le
transport du matériel de guerre.
2°) Soutien financier par la solidarité aux résistants
et aux combattants pour la liberté.
2°) Organiser l’émigration
algérienne
La population algérienne émigrée en France est un
capital précieux en raison de son importance numérique, de son caractère jeune
et combatif, de son potentiel politique.
La tâche du FLN est d’autant plus importante pour
mobiliser la totalité de ces forces qu’elle nécessite, en même temps, la lutte
à outrance contre les tentatives de survivance du messalisme.
1°) Eclairer l’opinion publique française et étrangère
en donnant informations, articles de journaux et revues. Grouper à cet effet
les militants expérimentés, les intellectuels et les étudiants.
2°) Dénoncer d’une façon infatigable et patiente la
faillite du messalisme comme courant politique, sa compromission avec les
milieux proches du gouvernement français ce qui explique l’orientation dirigée
non contre le colonialisme, mais contre le FLN et l’ALN.
D) La Solidarité Nord-Africaine
L’intransigeance révolutionnaire du FLN, la poursuite
farouche de la lutte armée par l’ALN, l’unanimité nationale du peuple algérien
soudée par l’idéal d’indépendance nationale, ont mis en échec les plans
colonialistes.
Les gouvernements tunisien et
marocain ont en particulier(sous la pression des peuples frères), pris
nettement position sur ce problème qui conditionne l’équilibre nord-africain.
Le FLN doit encourager :
1°) La coordination de l’action gouvernementale des
deux pays du Maghreb, dans le but de faire pression sur le gouvernement
français : action diplomatique ;
2°) L’unification de l’action politique par la
création d’un comité de coordination des partis frères nationaux avec le FLN ;
a) Création de comités
populaires de soutien de la Résistance Algérienne ;
b) Intervention
multiforme dans tous les secteurs ;
3°) La liaison permanente avec les Algériens résidant
au Maroc et en Tunisie(action concrète auprès de l’opinion publique, de la
presse et du gouvernement) ;
4°) La solidarité des Centrales Ouvrières U.G.T.T,
U.M.T.,U.G.T.A.;
5°) L’entraide des trois unions estudiantines.
6°) La coordination de l’action des trois centrales
économiques.
4°) L’Algérie devant le monde.
La diplomatie française a entrepris sur le plan
international un travail interne pour obtenir partout oÙ c’est possible, ne
serait-ce que très provisoirement, une aide morale et matérielle ou une
neutralité bienveillante et passive. Les seuls résultats plus ou moins positifs
sont les déclarations gênées, arrachées aux représentants des Etats–Unis, de
l’Angleterre et de l’O.T.A.N.
Mais la presse mondiale, notamment la presse
américaine, condamne impitoyablement les crimes de guerre, plus
particulièrement la légion et les paras, le génocide des vieillards, des
femmes, des enfants, le massacre des intellectuels et des civils innocents, la
torture des emprisonnés politiques, la multiplication des camps de
concentration, l’exécution d’otages.
Elle exige du colonialisme
français, la reconnaissance solennelle du droit du peuple algérien à disposer
librement de son sort.
La lutte gigantesque engagée par l’Armée de Libération
Nationale, son invincibilité garantie par l’adhésion unanime de la nation
algérienne à l’idéal de liberté, ont sorti le problème algérien du cadre
français dans lequel l’impérialisme l’a tenu jusqu’alors prisonnier.
La conférence de Bandoeng et
surtout la 10ème session de l’O.N.U. ont en particulièrement le
mérite historique de détruire la fiction juridique de « l’Algérie française ».
L’invasion et l’occupation d’un pays par une armée
étrangère ne sauraient en aucun cas modifier la nationalité de ses habitants.
Les Algériens n’ont jamais accepté la « francisation », d’autant plus que cette
« étiquette » ne les a jamais empêchés d’être dans leur patrie moins libres et
moins considérés que les étrangers.
La langue arabe, langue nationale de l’immense
majorité, a été systématiquement étouffée. Son enseignement supérieur a disparu
dès la conquête par la dispersion des maîtres et des élèves, la fermeture des
universités, la destruction des bibliothèques, le vol des donations pieuses.
La religion islamique est bafouée, son personnel est
domestiqué, choisi et payé par l’administration colonialiste.
L’impérialisme français a combattu le mouvement
progressiste des Oulémas pour donner son appui total au maraboutisme,
domestiqué par la corruption de certains chefs de confréries.
Combien apparaît dégradante le malhonnêteté des
Bidault, Lacoste, Soustelle et du Cardinal Feltin lorsqu’ils tentent de tromper
l’opinion publique française et étrangère en définissant la Résistance
Algérienne comme un mouvement religieux fanatique au service du panislamisme.
La ligne de démarcation de la Révolution ne passe pas
entre les communautés religieuses qui peuplent l’Algérie, mais entre d’une
part, les partisans de la liberté, de la justice, de la dignité humaine et
d’autre part, les colonialistes et leurs soutiens, quelle que soit leur
religion ou leur condition sociale.
La meilleure des preuves n’est-elle pas le châtiment
suprême infligé à des traîtres officiants du culte, dans l’enceinte même des
mosquées.
Par contre, grâce à la maturité politique du peuple
algérien et à la sage et lucide direction du Front de Libération Nationale, les
provocations traditionnelles et renouvelées du colonialisme : pogroms, troubles
anti-chrétiens, xénophobie, ont été déjouées et étouffées dans l’œuf.
La Révolution Algérienne, malgré
les calomnies de la propagande colonialiste, est un combat patriotique, dont la
base est incontestablement de caractère national, politique et social.
Elle n’est inféodée ni au Caire,
ni à Londres, ni à Moscou, ni à Washington.
Elle s’inscrit dans le cours
normal de l’évolution historique de l’humanité qui n’admet plus l’existence de
nations captives.
Voilà pourquoi l’indépendance de
l’Algérie martyre est devenue une affaire internationale et le problème-clé de
l’Afrique du Nord.
De nouveau, l’affaire algérienne sera posée devant
l’O.N.U. par les pays afro-asiatiques.
Si, lors de la dernière session de l’Assemblée
Générale de l’O.N.U., on constata chez ces pays amis le souci tactique
exagérément conciliateur, allant jusqu’à retirer de l’ordre du jour la
discussion de l’affaire algérienne, il n’en est pas de même aujourd’hui car les
promesses de la France n’ont nullement été tenues.
Ce manque de hardiesse était déterminé par l’attitude
des pays arabes en général et de l’Egypte en particulier. Leur soutien à la
lutte du peuple algérien demeurait limité ; il était assujetti aux fluctuations
de leur diplomatie. La France exerçait une pression particulière sur lr
Moyen-Orient en monnayant son aide économique et militaire et son opposition au
Pacte de Bagdad. Elle avait notamment essayé de peser de toutes ses forces pour
paralyser les armes psychologiques et morales dont le FLN dispose.
L’attitude des pays non arabes du bloc afro-asiatique
était conditionnée, semble-t-il, par le souci d’une part de ne jamais dépasser
celle des pays arabes, par le désir d’autre part de jouer un rôle déterminant
dans des problèmes tels que ceux désarmement et de la coexistence pacifique.
Ainsi l’internationalisation du problème algérien dans
sa phase actuelle a renforcé la prise de conscience universelle sur l’urgence
du règlement d’un conflit armé pouvant affecter le bassin méditerranéen et
l’Afrique, le Moyen-Orient et le monde entier.
Comment Diriger Notre Activité internationale ?
Nos contacts avec les dirigeants des pays frères n’ont
jamais été autre chose que des contacts d’alliés et non d’instruments.
Nous devons veiller d’une façon
systématique à conserver intacte l’indépendance de la Révolution Algérienne. Il
convient de réduire à néant la calomnie lancée par le gouvernement français, sa
diplomatie, sa grande presse pour nous présenter, n’ayant pas de racines dans
la Nation Algérienne captive.
1°) Provoquer chez les gouvernements du Congrès de
Bandoeng, en plus de l’intervention à l’O.N.U., des pressions diplomatiques,
voire économiques directes sur la France ;
2°) Rechercher l’appui des peuples d’Europe, y compris
les pays nordiques et les démocraties populaires ainsi que les pays d’Amérique
Latine ;
3°) S’appuyer sur l’émigration arabe dans les pays de
l’Amérique Latine.
Dans ce but, le FLN a renforcé la Délégation
algérienne en mission à l’extérieur. Il devra avoir :
a) Bureau permanent
auprès de l’ONU et aux USA ;
b) Délégation dans les
pays d’Asie ;
c) Délégations
itinérantes pour la visite des capitales et la participation aux rassemblements
mondiaux culturels, estudiantins, syndicaux, etc ;
d) Propagande écrite
crée par nos propres moyens ; bureau de presse, éditions de rapports, documents
par la photo et le film.
CONCLUSION
Il y a dix an, au lendemain de la fin de la deuxième
guerre mondiale, une formidable explosion a ébranlé l’impérialisme.
L’irrésistible mouvement de libération nationale,
longtemps comprimé, secoua les peuples captifs. Une réaction en chaîne entraîna
les pays colonisés, l’un après l’autre, dans la conquête d’un avenir flamboyant
de liberté et de bonheur..
En cette courte période, dis huit nations sont sorties
des ténèbres de l’esclavage colonial et ont pris place au soleil de
l’indépendance nationale.
Les peuples de Syrie et du Liban, du Viet-Nam et du
Fezzan ont brisé les barreaux de leurs cellules et réussi à quitter l’immense
prison du colonialisme français.
Les trois peuples du Maghreb ont manifesté à leur tour
leur volonté et leur capacité de prendre leur place dans le concert des nations
libres.
La révolution Algérienne du 1er Novembre
1954 est sur la bonne voie.
La lutte sera encore difficile, âpre, cruelle.
Mais sous la ferme direction du FRONT DE LIBERATION
NATIONALE, la victoire couronnera la longue lutte armée menée par le peuple
algérien indompté.
La date humiliante du 5 juillet 1830 sera effacée avec
la disparition de l’odieux régime colonial.
Le moment est proche où le peuple algérien recueillera
les doux fruits de son douloureux sacrifice et de son courage sublime.
L’INDEPENDANCE DE LA PATRIE SUR LAQUELLE FLOTTERA
SOUVERAINEMENT LE DRAPEAU NATIONAL ALGERIEN.
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