PROJET DE PROGRAMME
pour
la réalisation de la révolution démocratique populaire
(
adoptée à l'unanimité par le C. N. R.A. à Tripoli en Juin 1962)
VUE D’ENSEMBLE DE LA SITUATION
ALGERIENNE
1) DE LA SOUVERAINETE NATIONALE
Le 19 mars 1962, un cessez-le-feu a
été proclamé mettant fin à une longue guerre d’extermination menée par
l'impérialisme colonial français contre le peuple algérien.
Le cessez-le-feu est
le résultat de l'accord intervenu à Evian entre le G.P.R.A. et la France,
accord par lequel l'indépendance de l'Algérie sur la base de l'intégrité
territoriale doit être rétablie suivant une procédure définie en commun par les
deux parties.
C’est à I'occasion d'un référendum
d'autodétermination que le peuple algérien sera invité à approuver la solution
prévue par les accords d’Evian relativement A l'indépendance de I'Algérie et à
la coopération entre ce pays et la France.
Les accords d’Evian constituent, pour
le peuple algérien, une victoire politique irréversible qui met fin au régime
colonial et A la domination séculaire de l'étranger.
Cependant, cette victoire qui a été
obtenue sur le plan des principes, ne nous fait pas oublier quelle est due,
avant tout, au processus révolutionnaire continu et aux faits politiques et
sociaux de portée historique crées par la lutte armée du peuple algérien.
Ce sont ces faits-là, dégagés au cours
de la guerre libératrice, qui représentent la seule victoire durable parce
qu'ils prolongent, d'une manière concrète, les acquis de la lutte armée et
constituent le garant réel de l’avenir de notre pays et de notre Révolution.
En quoi réside L'importance de ces
faits
1e) C’est dans l'action directe contre
le colonialisme que le peuple algérien a retrouvé puis consolidé son unité
nationale. Il a ainsi banni de ses rangs le sectarisme ancien des partis et des
clans et surmonté les divisions que l'occupation française avait érigées en
système politique;
2e) C’est dans I'unité de combat que
la nation, opprimée par le colonialisme, s’est redécouverte en tant qu’entité
organique et a donné toute la mesure de son dynamisme. Ce faisant, la nation
algérienne a renoue avec ses traditions de lutte et mené à son terme l’effort
inlassable et longtemps contrarié en vue de réaliser I'indépendance et la
souveraineté nationale;
3e) L’entrée en mouvement des masses
populaires a ébranlé 1'édifice colonial et remis en cause, de façon définitive,
ses institutions rétrogrades, comme elle a accéléré la destruction des tabous
et des structures d'origine féodale qui entravaient le développement de la
société algérienne.
Tout cela consacre I'échec de la
double entreprise contre-nature du colonialisme français qui tendait A détruire
radicalement notre société pour la remplacer par un peuplement étranger
intensif et à la maintenir, par la contrainte, dans la stagnation et
I'obscurantisme.
L’engagement des masses algériennes
n’a pas seulement entraîné la destruction du colonialisme et du féodalisme. 11
a déterminé aussi une prise de conscience collective ayant trait aux exigées par le remembrement et la
construction de la société sur des bases nouvelles. Le peuple algérien, en
reprenant l'initiative, en affirmant avec persévérance sa volonté de
libération, a lié, consciemment ou inconsciemment, cette dernière a la
nécessite historique d'un progrès multiple à conquérir et à promouvoir sans
relâche sous sa forme révolutionnaire la plus
efficace.
L’effort créateur du peuple s’est
largement manifesté à travers les organes et instruments qu'il s’est forgé sous
la direction du F.L.N. pour la conduite générale de la guerre de libération et
I'édification future de I'Algérie.
Unité du peuple, résurrection
nationale, perspectives d'une transformation radicale de la société, tels sont
les principaux résultats qui ont été obtenus grâce 'a sept années et demi
de lutte armée. Le peuple
algérien a, non seulement atteint I'objectif de I'indépendance nationale que le
FLN S'était assignée le 1er Novembre 1954, mais il I'a dépassé dans le sens
d'une révolution économique et sociale.
II) LA GUERRE
COLONIAL LA RECONVERSION DU COLONIALISME
La guerre coloniale menée par la
France contre le peuple algérien a pris le caractère d'une véritable entreprise
d'extermination. Elle a nécessité I’envoi, en Algérie, de la plus forte armée
coloniale de tous les temps. Pourvue
de tous les moyens modernes de destruction, appuyée par une administration
coloniale puissante, aidée dans ses besognes de répression, de terreur et de
massacres collectifs par le peuplement français d'Algérie, cette armée s’est
attaquée surtout aux populations civile sans défense et s’est vainement
acharnée contre I'ALN. C’est
ainsi que plus d'un million d’Algériens ont été décimés et que
des millions d'autres ont été déportés, emprisonné, contraints A I’exil. Cette
guerre de reconquête coloniale n'a pu se prolonger que grâce A I'appui de
I'OTAN et au soutien militaire et diplomatique des Etats-Unis. Le degré de barbarie atteint dans
cette guerre s’explique par la nature même de la colonisation de peuplement et
la complicité de. la nation française longtemps abusées par la mythe de
1'(Algérie française Le caractère national et chauvin de cette guerre de
reconquête a été illustré par la participation constante du contingent qui
représentait toutes les classes de la société française, dont la classe ouvrière. La gauche française qui a toujours
joué, sur le plan théorique, un rôle dans la lutte anti-colonialiste, s’est
révélée impuissante face au développement implacable de la guerre et à ses
conséquences qu’elle n'avait pas prévues. L'action politique qu’elle a menée est
restée timide et inopérante en raison de ses vieilles conceptions
assimilationnistes et des idées erronés qu’elle se faisait de la nature
évolutive du régime colonial et de son aptitude 'a se réformer
pacifiquement. C’est la
lutte opiniâtre du peuple algérien qui a contraint le colonialisme français a
mettre 'a nu sa véritable nature en tant que système totalitaire engendrant,
tour A tour, le militarisme et le fascisme, vérité qui a longtemps échappé aux
démocrates français et que les évènements ont démontrée.
Ainsi, à partir du 13 Mai 1958
notamment, le mouvement fasciste issu de la guerre de reconquête s’est renforcé
petit à petit en France même, aggravant a son tour les conditions de cette
guerre coloniale qu'il a relancée avec plus de virulence dans I’espoir de venir
rapidement il bout de la résistance algérienne.
L’échec étant devenu patent en dépit
du renforcement colossal des moyens matériels et tactiques de la guerre
d'Algérie dont le plan Challe a été I'un des aspects le, plus significatifs, le
Gouvernement gaulliste s’est vu acculé A reconvertir le régime colonial
classique en système néo-colonialiste visant A maintenir, sous d'autres
fournies, l'essentiel des intérêts économiques et stratégiques de la France.
Le Plan de Constantine, conçu au plus
fort de la guerre en vue de créer les bases économiques d’une (3ème force
algérienne), a été la première esquisse de cette politique pseudo-libérale.
Sous la pression conjuguée de la lutte
libératrice et de la situation internationale, la France a fini par admettre la
nécessité dune solution pacifique du problème algérien par la négociation avec
le G.P.R.A. Les conférences de Melun en juin 1960, d’Evian en mai 1961 et de
Lugrin en juillet de la même année, ont successivement échoué en raison de
I'obstination du gouvernement français qui, tour à tour, réclamait une
reddition camouflé on exigeait un démembrement du territoire algérien qu'il
prétendait amputer de sa partie saharienne. Le renforcement de ta lutte du
peuple qui est allé progressant avec les journées historiques de décembre 1960
et la politique conséquente du G.P.R.A. qui s’en est tenu aux positions
fondamentales de la Révolution, ont contraint le gouvernement français 'a
entamer des négociations sérieuses.
Les accords d’Evian qui en ont résulté
le 18 Mars 1962 consacrent la reconnaissance de la souveraineté nationale de
I'Algérie et I'intégrité de son territoire.
Toutefois, ces accords prévoient, en
contrepartie de I'indépendance, tine politique de coopération entre I'Algérie et France.
La coopération, telle qu’elle ressort
des accords, implique le maintien de liens de dépendance dans les domaines
économique et culturel. Elle
donne aussi, entre autres, des garanties précises aux Français d'Algérie pour
lesquels elle ménage une place avantageuse dans notre pays.
Il est Evident que le concept de
coopération, ainsi établi, constitue l’expression la plus typique de la
politique néo-colonialiste de la France. Il relève, en effet, du phénomène de
reconversion par lequel le néo-colonialisme tente de se substituer au
.colonialisme classique.
Amorcé de longue date par le pouvoir
gaulliste cette reconversion procède de la contradiction qui s’est instance
dans le camp impérialiste français du fait de la guerre d'Algérie. Il y a, dune
part, les partisans de la colonisation agraire selon les normes du
conservatisme colonial et leurs alliés militaro-fascistes, et, d'autre part,
les tenants du grand capital français évocation industrielle qui visent é
pratiquer une politique de rechange sur la base d'un compromis avec le
nationalisme algérien.
La tâche Immédiate du FLN est de
liquider, par tous les moyens, le colonialisme tel qu'il se manifeste encore
après le cessez-le-feu sons sa forme virulente à travers les actions
criminelles de I'O.A.S. Mais il devra, également, élaborer, dès à présent, une
stratégie efficace en vue de faire échec aux entreprises néo-colonialistes qui
constituent un danger d'autant plus grave pour la Révolution queues se parent
des dehors séduisants du libéralisme et d’une coopération 'économique et
financière qui se veut désintéressée.
L'antagonisme actuel entre I'ancien et
le nouveau colonialisme ne doit pas faire illusion.
En tout état de cause il n’est pas
question de préférer I'un à I'autre ; tous deux sont à combattre. Les habitations apparentes du pouvoir
gaulliste dans sa lutte contre I'OAS ont leur origine dans les ,affinités
naturelles qui existent entre les colonialistes français des deux bords de la
Méditerranée et traduisent une collusion tactique dont le but inavoué est
d'acculer les Algériens 'a un choix en faveur du néo-colonialisme. Cette attitude du gouvernement
français conduit, en réalité, A l'inverse du résultat recherché. Son refus. de réprimer efficacement
les menace de I'OAS prouve, de façon éclatante, la complicité qui le lie aux
ultra-colonialistes d'Algérie et ports, en conséquence, un préjudice sérieux à
la coopération.
D'ailleurs, cette coopération, produit
d'une reconversion factice, se révélera difficile étant donné le comportement
des Français d’Algérie qui prennent, dans leur immense majorité, fait et cause
pour I'OAS. Agents actifs
de I'impérialisme colonial dans le passé et instruments conscients dans la
guerre de répression qui prend fin, les Français d'Algérie sont inaptes à tenir
le rôle de support principal et de garant de la politique de coopération que la
France leur a assigné dans son plan néo-colonialiste.
A ce
propos, la propagande française veut perpétuer le mythe du caractère
indispensable de la présence des Français en Algérie pour le bien même de la
vie économique et administrative de ce pays. Or, pendant plus d'un siècle, les
trois quarts de I'Algérie, les campagnes notamment, ont été abandonnées A leur
sort sans aucune infrastructure sérieuse ni équipement notable. Abstraction
faite de toute qualification technique, l’écrasante majorité des Français
d'Algérie, en raison même de leur mentalité colonialiste et de leur racisme, ne
seront pas en mesure de se mettre utilement au service de état algérien.
III -
L'ALGERIE A LA VEILLE DE SON INDEPENDANCE
1. - Les accords d’Evian ont été
ressentis par les milieux colonialistes traditionnels et les militaro-fascistes
comme une cuisante défaite et une humiliation sans précédent.
S'ils réalisent que I'Algérie est
irrémédiablement perdue pour eux, ils ne s’estiment pas, cependant vaincus,
L'OAS vise A I'installation du fascisme en France et i la reprise de la guerre
coloniale en Algérie. En
pratiquant la terreur, les colonialistes espérant susciter une réaction brutale
du peuple algérien et rendre ainsi caduc le cessez-le-feu. 11 est évident que
leur plan consiste à faire de I'Algérie un tremplin en vue d'un éventuel
coup d’état fasciste appuyé par
I'armée française et dirigé contre le pouvoir en France. Il importe, cependant,
de ne point sous-estimer les menaces que ces colonialistes font peser
directement sur I'Algérie même. L'une
de leurs préoccupations, en effet, est le sabotage systématique de I'économie
algérienne. Cette tactique
n’est pas nouvelle. Elle a
eu des précédents, au Vietnam notamment, lors de la débâcle colonialiste.
Une autre menace est celle d'une
éventuelle (( sécession )) des Français d'Algérie par rapport I’Etat algérien. Cette Eventualité parait absurde si
I'on songe que le gouvernement français lui-même qui avait fait de la partition
un moyen de chantage politique, a fini par y renoncer. Toutefois, il ne faut pas oublier que
I'OAS poursuit toujours ce rêve insensé et qu’elle y tend de toutes ses forces
en soudant en un seul bloc les Français d'Algérie. Il semble exclu que la
France consente à donner sa caution A une entreprise qui serait contraire aux
accords d’Evian ainsi qu'a toute coopération franco-algérienne. Ce qui est sûr, par contre, c’est que
le gouvernement algérien aura fatalement A affronter les Français d'Algérie et
que la France qui se sentira directement impliquée dans cette épreuve de force,
ne manquera pas de recourir 'a des pressions lourdes de conséquences.
2 - La liquidation de
I'OAS, qui est une immédiate, laisse entier le problème posé à la Révolution
par la présence du peuplement français d'Algérie.
Les garanties don-nées A ce dernier
par les accords d’Evian imposent son maintient dans notre pays en tant que
minorité de privilégiés. La
sécurité de ces Français et de leurs biens doit être respectée leur
participation A la vie politique de la nation assurée 'a tous les
niveaux. Beaucoup d’entre
eux iront s'installer en France, mais, une importante fraction- restera en
Algérie et le gouvernement français I'y encouragera par tous les moyens en son
pouvoir.
Les Français d'Algérie ne seront pas
considérés tout fait comme
des étrangers. Ils jouiront, pendant trois années, des droits civiques
algériens en attendant qu'ils fassent leur option définitive de
nationalisé. Cette
particularité propre:k I'Algérie confère au problème en question sa complexité
et en fait I'un des plus graves que l’Etat algérien aura 'a résoudre.
La prépondérance des Français d'Algérie
demeure de rasante dans les domaines économique, administratif et culturel et
va l’encontre des
perspectives fondamentales de la Révolution.
Dans le cadre de sa souveraineté
interne I’Etat algérien sera en mesure de l’enrayer en décidant des réformes de
structure applicables A tous les citoyens sans distinction d'origine.
II faut souligner que la fin des
privilèges attachés aux ((droits acquis)) de la colonisation est inséparable de
la lutte contre le néo-colonialisme en général. Une solution correcte du
problème de la minorité française passe obligatoirement par une politique
conséquente sur te plan anti-impérialiste.
3.- Aux termes des
accords d’Evian le gouvernement français doit maintenir, pendant un certain
délai, ses troupes en Algérie et disposer de la base aéronavale de
Mers-EI-Kébir, d'aérodromes militaires et d'installations atomiques dans le Sud
du pays.
Cette
occupation militaire qui ira en s'allégeant -- au bout de la première année
après I'autodétermination I’effectif de I'armée française sera réduit à 800.000
hommes dont 1'évacuation est prévue au terme d'un second délai de deux années -
obéit, avant tout, A une stratégie néo-colonialiste axée sur I'Afrique en
Général et I'Algérie en particulier. Tant
que le territoire algérien sera occupé par les forces étrangères la liberté de
mouvement de l’Etat se verra limitée et la souveraineté nationale
menacée. Les premiers mois
de I'indépendance seront particulièrement difficiles. Le gouvernement algérien, qui aura A
entreprendre une lutte décisive contre les fascistes français, pourra se
heurter à I'armée d'occupation dont l'une des missions est, précisément, de
protéger la minorité française.
4. - L’Exécutif provisoire ne parvient
pas, deux mois après son entrée en fonction, A imposer son autorité et son
contrôle; l'administration coloniale dont la quasi-totalité des membres
manifeste son adhésion
active A I'O.A S.
L'assainissement et la refonte
complète de I'administration sont une nécessité vitale. Cette t'ache s'annonce, par ailleurs,
fort délicate étant donné l’étendue du territoire, I'acuité des problèmes
quotidiens qui se posent et la pénurie de cadres algériens qualifiés dont
beaucoup ont été décimés par la guerre.
5. - Les conséquences matérielles et
morales de l’entreprise de génocide menée depuis tant d'années contre le peuple
algérien se feront sentir d'une façon de plus en plus aigu.
Des centaines de milliers d'orphelins,
des dizaines de milliers d'invalides, des milliers de familles réduites aux
femmes et aux enfants et abandonnées A leur sort, attendant du pouvoir national
les mesures adéquates qui s'imposent.
Les blessures que porte le corps de la
nation dans son ensemble sont profondes et ne disparaîtront pas avant des
décades. Certaines d’entre
elles ont, cependant, un caractère d’extrême gravité et sont susceptibles de
paralyser la société dans sa marche en avant.
Deux millions d'Algériens, en majorité
des femmes et des enfants, quittent chaque jour les camps ou ils avaient été déportés. Le
centaines de milliers de réfugiés du Maroc et de Tunisie doivent être bientôt
rapatriés.
Les problèmes qui eu résultant sont
d'ordre économique et social mais relèvent, surtout, de la conception politique
et de I'organisation. Il ne suffit pas de lancer des campagnes nationales et
internationales en vue de rassembler une aide sur le plan de 1’habitat, de
I'alimentation et de I'hygiène. Ce
problème, le plus grave qui soit né de la guerre, résume d'une façon tragique,
les immenses bouleversements que connaît notre pays. Il réclame non pas des
mesures fragmentaires et expéditives, mais une solution en profondeur et des
décisions d'une porté sociale réelle s'intégrant dans un plan d’ensemble. La révolution économique et sociale
commencera par ce secteur ou manquera son départ. On la jugera A I'occasion de Cette
épreuve qui sera déterminante pour son développement ultérieur.
Le futur gouvernement
algérien se trouvera devant un pays exsangue. D'immenses zones rurales ou
la vie avait été intense ne
sont plus que des paysages désolé. Dans
les grandes et moyennes villes une misère effroyable ronge la population qui
s’entasse dans les vieux quartiers et les bidonvilles. Il faudra, sans plus
tarder, rompre ce cercle infernal en procurant du travail aux adultes, en
scolarisant les enfants, en luttant contre la famine et la maladie et en
ramenant le goût de la vie par la mise en train de la reconstruction collective
du pays.
Un territoire occupé militairement,
une paix sans cesse menacée par les colonialistes récalcitrants, une
administration hostile et portée à I'obstruction systématique, une économie
perturbée et anarchique, un pays à moitié détruit, des problèmes sociaux
graves, innombrables et urgents, voilà ce dont I'Algérie hérite à la veille de
son indépendance.
6 - La souveraineté a été reconquise
mais tout reste A faire pour donner un contenu à la libération nationale.
Tous ces obstacles qui handicapent le
démarrage du nouvel Etat et I'amorce des grandes fiches de la Révolution sont
encore aggravés par les manœuvres de l’ennemi colonialiste.
Après s’être
longtemps opposé A notre indépendance, le gouvernement français tente,
aujourd'hui, d'agir sur elle et de I'orienter selon les exigences de sa
politique impérialiste.
Le accords d’Evian constituent une plate-forme
néo-colonialiste que la France s'apprête a utiliser pour asseoir et aménager sa
nouvelle forme de domination.
Les impérialistes français font tout
pour que le tournant tactique esquissé par le FLN 'a Evian se transformes en.
retraite idéologique et aboutisse A une renonciation pure et simple aux
objectifs de la Révolution.
Le gouvernement français ne s'appuiera
pas seulement sur ses .forces armées et sur la minorité française pour
infléchir I'évolution de I'Algérie. 11 exploitera avant tout les contradictions
politiques et sociales du FLN et tentera de trouver au sein de ce mouvement des
alliés objectifs qui seraient susceptibles de se détacher de la Révolution pour
se retourner contre elle.
Cette tactique impérialiste peut se
résumer comme suit susciter dans les rangs du FLN une ((3ème force )) qui serait composée de nationalistes
modérés attachés a' I'indépendance mais hostiles à toute action. conséquente
sur le plan révolutionnaire ; opposer les é1èments de cette ((3éme force)) aux militants etaux cadres qui, sur la base des
aspirations populaires, resteront fidèles
à la ligne
anti-impérialiste.
Le désir évident du gouvernement
français est que la tendance (( modérée )) l’emporte au sein du FLN sur les
forces révolutionnaires proprement dites, ce qui rendrait possible une
expérience Franco-FLN dans le cadre du néo-colonialisme.
Il serait irréaliste de penser que le
démarrage de la Révolution ira de soi.
La plate-forme néo-colonialiste A
laquelle la France nous convie est, en fait, un terrain de ralliement pour les
seules forces contre-révolutionnaires.
C’est
à coups de milliards que la France essayera d'attirer à elle toute une couche
de gens mus par la cupidité, I'ambition personnelle, ou qui ont pris goût aux
profits malsains de la guerre coloniale.
Elle tentera, A la faveur de nos
carences et de nos erreurs, de renverser le cours de la Révolution pour
organiser la contre-révolution.
C’est par la formulation nette et
claire de nos objectifs, I'analyse lucide et impitoyable de nos insuffisances
et de ce qu'il y a d'inachevé, de confus et d'approximatif dans nos aspirations
et nos idées, que les forces révolutionnaires du peuple algérien, aujourd'hui
dispersées, deviendront-une réalité consciente, organisée, ouverte sur I'avenir.
lV. - INSUFFISANCES POLITIQUES DU FLN
ET 'DEVIATIONS ANTI-REVOLUTlONNAIRES
Le FLN qui, au début de I'action
insurrectionnelle du 1er Novembre 1954 avait envisagé la lutte armée sous le
seul angle de la libération Rational n'a pu prévoir tout ce que la guerre qui
s’ensuivrait aurait comme implications et développements de nature diverse dans
la conscience populaire et la société algérienne en général.
1- Le FLN ignorait les profondes
potentialités révolutionnaires du peuple des campagnes. Le peu qu'il en savait concernait une
situation longtemps statique, en surface, traditionnellement admise comme vraie
selon I'optique paresseuse des anciens partis nationalistes.
Il faut dire, à la vérité, que le FLN,
tendance d'avant garde ses débuts, à la veille de se transformer en mouvement
rompait, dans une certaine mesure, avec les pratiques, méthodes et conceptions
des anciens partis. Mais
cette rupture ne pouvait devenir salutaire et définitive qu’ en s'accompagnant,
au départ, d'un effort -vigoureux de démarcation idéologique et d'une ligne de
longue portée à La mesure des évènements en chaîne qu'on allait provoquer dans
la société algérienne.
Or, il n’en fut à peu prés -rien sinon
dans Le cadre d'une formulation immédiate destinée, au moment de
I'insurrection, à remettre ce nationalismes en marche.
Le FLN ne s’est pas soucié de dépasser
positivement le seul objectif inscrit au programme traditionnel du
nationalismes, c’est-à-dire I'indépendance. D'autre part, il négligeait
d’entrevoir 1'éventualité à plus ou moins brève échéance de deux faits majeurs
que Le nationalismes classique n'avait jamais pu concevoir : le caractère même
de La guerre coloniale dans un pays de peuplement intensif étranger promu, tout
à la fois, au rang de mandataire, d'agent et d'auxiliaire de I'impérialisme
français, Le fait que la lutte armé et l’engagement massif du peuple colonisé
par lesquels on met brutalement en cause une domination coloniale séculaire ne
se déroulent jamais selon un schéma sommaire et un itinéraire simpliste qui
aboutit sans encombre à la libération nationale.
La contre-partie inévitable de
I'oppression colonialiste totalitaire ainsi affrontée ne peut être que la
remise en question immédiate et automatique de toute La société opprimée. Cette remise en question spontanée se
complète, par la recherche et la découverte de nouvelles structures, de
nouveaux modes de penser et d'agir, en un mot d'un processus de transformation
incessante qui constitue le courant même de la Révolution.
Aussi paradoxal que cela puisse
paraître, la porte révolutionnaire de la lutte nationale est perçue et
ressentie dans sa nouveauté et son originalité par les masses populaires plus
que par les cadres et les organismes dirigeants. Ces derniers sont volontiers enclins à
sous-estimer ou A surestimer certains faits nouveaux, A faire référence A
d'autres mouvements révolutionnaires, àpratiquer
le mimétisme idéologique, ce qui donne souvent à leurs conceptions un aspect
disparate et un caractère irréaliste.
Bien que confuse et informulée chez le
peuple, sa conception du monde ou il vit, à travers La violence de La guerre et
les bouleversements sociaux, se prolonge en cheminements de pensée et d’examen
plus ou moins sommaires aussi longtemps que dure la lutte armée et que se
succèdent les faits observés par lui sans recours à 1’antécédent, à l’exemple,
à l'analogie.
Fruit du besoin et de
la représentation fidèle par le peuple de I'univers révolutionnaire et de
l’expérience collectivement vécue, cette originalité n'a pas été suffisamment
prise en considération alors qu’elle constitue l'un des acquis principaux de La
Révolution.
2. -- Contrairement A tout cela, nous
avons assisté et nous assistons à
une série de décalages très graves entre, d'une part, La conscience collective
longtemps mûrie au contact des réalités, et, d'autre part, la pratique de
I'autorité du FLN à tous les échelons. Très souvent, et par une interprétation
paternaliste, cette autorité a purement et simplement remplacé la
responsabilité politique qui est inséparable de
l’effort doctrinal. Toujours située dans la perspective
d'une lutte de libération qui à défaut d'un travail idéologique constant, était
réduite le plus souvent à son aspect technique, cette notion d'autorité a vite
fait d’engendrer des concepts qu'on peut qualifier d'anti-révolutionnaires.
3. - Le FLN, ennemi acharné du
féodalisme, s'il a bien combattu ce dernier à travers ses institutions sociales
routinières, n'a rien fait, en revanche, pour s’en préserver lui-même certains niveaux de son organisation.
Il a omis, à cet égard, que c’est précisément la conception abusive de
I'autorité, I'absence de critères rigoureux et I'inculture politique qui
favorisent la naissance ou la renaissance de l’esprit féodal.
L’esprit féodal n’est pas seulement le
fait d’un groupe social détermine, traditionnellement prépondérant par la
possession agraire ou I'exploitation outrancière d'autrui. Sa réalité dans les pays d'Afrique et
d'Asie ; en tant que survivance d'une époque historique révolue, se
traduit sous des formes diverses que revêtent parfois les révolutions même
populaires quand elles manquent de vigilance idéologique.
De même qu'il y a eu des féodalités
terriennes, il peut exister des féodalités politiques, des chefferies et des
clientèles partisanes dont l’événement est rendu possible par I'absence de
toute éducation démocratique chez les militants et les citoyens.
En plus de l’esprit féodal qui a
longtemps imprégné toute la vie du Maghreb depuis la fin du Moyen Age dans les
domaines économique, social, culturel et religieux et que le FLN n'a pas su
extirper radicalement, il faut noter aussi, un de ses effets les plus sournois
. le paternalisme. Le
paternalisme constitue un véritable frein pour la formation politique et
I'initiative consciente et créatrice du militant et du citoyen.. il traduit un
genre d'autorité archaïque, faussement débonnaire et anti-populaire et sécrète,
fatalement, une conception infantile de ta responsabilité.
Cette altération des valeurs
révolutionnaires a eu également pour résultat de compenser la formation
politique déficiente par des attitudes purement extérieures : le formalisme.
C’est ainsi que le patriotisme,
l’esprit révolutionnaire, deviennent parfois synonymes de gesticulation
frénétique. De là le
romantisme gratuit et le goût impudent pour I'inflation héroïque qui est
contraire au tempérament discret de notre peuple. Le formalisme dénote ainsi un alibi
par lequel certains veulent escamoter le travail révolutionnaire patient A
travers ses apports concrets, ses taches obscures, et les obstacles qui
affronte avec modestie , au niveau des masses populaires.
4- Un autre état d’esprit qu'on ne
dénoncera jamais assez parce qu'il a causé dans le passé politique de notre
pays des ravages sans nombre et qui risque aujourd'hui encore, au même titre
que les survivances féodales, de porter un grave préjudice à la Révolution : il
s'agit de l’esprit petit bourgeois. Le
manque de fermeté idéologique au sein du FLN a. permis a cet esprit de
s'introduire dans les rangs d'une grande partie des cadres et de la jeunesse.
Les habitudes faciles venues des
anciens partis à clientèle urbaine, la fuite devant la réalité en I'absence de
toute formation révolutionnaire, la recherche individuelle des situations
stables, du profit et des satisfactions dérisoires d'amour propre, les préjugés
que beaucoup nourrissent I'égard des paysans et des militants obscurs, tout
cela constitue les caractéristiques saillantes e l’esprit
petit-bourgeois. Cet
esprit, qui s'imprègne volontiers d'un pseudo-intellectualisme, draine, A son
insu, les concepts les plus frelatés et les plus nocifs de la mentalité
occidentale.
De plus, il présente, 'a travers une
nouvelle classe bureaucratique, un grand décalage par rapport 'a la majorité du
peuple.
L'indigence idéologique du FLN, la
mentalité Féodale et l’esprit petit-bourgeois qui en sont le produit indirect,
risquent de raire aboutir l’Etat algérien futur à une bureaucratique médiocre
et anti-populaire dans les faits sinon dans les principes.
5. - l'une des causes essentielles qui
ont entravé le développement du FLN sur le terrain idéologique, contribué à
I'aggravation de toutes ses faiblesses et pesé lourdement sur la situation
générale de I'Algérie en guerre, réside dans le d,écalage qui s’est produit
entre la Direction et les masses populaires.
L'installation, au bout de la
troisième année de lutte, de I'instance supérieure du FLN à l’extérieur, bien
qu'étant le résultat d'une certaine nécessité du moment a, néanmoins provoqué
une coupure avec la réalité nationale.
Cette coupure aurait pu être fatale au
mouvement de libération tout entier.
L'une des conséquences les plus
visibles de cet état de choses a été la dépolitisation progressive des
organismes restés sur place et de ceux que la Direction a entraînés à sa suite
ou créés à l’extérieur. il faut entendre par dépolitisation I'absence de toute
ligne générale structurée idéologiquement et constituent un lien ferme entre
I'Algérie et les Algériens de part et d'autre des frontières. 11 faut entendre
également par dépolitisation le fait de tolérer pendant la lutte armé des
courants politiques disparates et contradictoires, des comportements
individualistes échappait A tout contrôle et faisant,
par la-même, de certains responsables, des dignitaires fonction précise.
Par ailleurs, le G.P.R.A. qui s’est
confondu, dés sa naissance, avec ta direction du FLN, a contribué à affaiblir
du même coup les deux notions d’état et de Parti.
L'amalgame des institutions étatiques
et des instances du FLN a réduit ce dernier 'a ne plus être qu'un appareil
administratif de gestion. A
I'intérieur, cet amalgame a eu pour effet de dessaisir le FLN de ses
responsabilités au profit de I'ALN et, la guerre aidant, de I'annihiler
pratiquement.
L’expérience de ces sept années et
demi de guerre prouve que, sans une idéologie élaborée au contact de la réalité
nationale et des masses populaires 5 il ne saurait y avoir de parti
révolutionnaire. La seule
raison d'être d'un parti est son idéologie. il cesse d’exister dés qu'elle
vient à lui manquer.
LA REVOLUTION DEMOCRATIQUE POPULAIRE
La guerre de libération menée
victorieusement par le peuple algérien redonne à l'Algérie sa souveraineté
nationale et son indépendance. Le
combat n’est pas pour autant achevé. Il est appelé, au contraire, A se
poursuivie afin d’étendre et de consolider les conquêtes de la lutte armée par
I'édification révolutionnaire de l’état et de la société.
Les taches de la Révolution
démocratique populaire nécessitent, un examen des données objectives de la
réalité.
1. -
CARACTERISTIQUES DE L'ALGERIE
De par sa situation générale,
I'Algérie se dégage 'a peine de la domination coloniale et de 1ere semi-féodale.
Cette double caractéristique ne
disparaîtra pas automatiquement avec I'événement de I'indépendance. Elle persistera aussi longtemps que la
transformation radicale de la société n'aura pas été réalisée.
A) Pays colonial, 1'Algérie a subi
pendant plus d'un seule une domination étrangère à base de peuplement
prépondérant et d’exploitation impérialiste.
Les
colonialistes français ont entrepris, par la guerre, l’extermination, le
pillage et le séquestre, de détruire systématiquement la nation et la société
algérienne. Plus qu'une simple conquête coloniale destinée A s'assurer le
contrôle des richesses naturelles du pays, cette entreprise a visé, par tous
les moyens, ;I substituer un peuplement étranger au peuple autochtone.
En effet, les envahisseurs français
avaient tenté, en plein XIXéme siècle, de rééditer contre les Algériens,
l’entreprise d'anéantissement dont fut victime la société indienne d'Amérique à
partir de la fin du XVéme siècle.
L'échec de ce plan contre-nature est
dû au fait que la société algérienne, organisé dans le cadre d'une nation
consciente et évoluée, a pu mobiliser, pendant
une quarantaine d'années, toutes ses forces et ses valeurs pour faire face au
danger.
Sa prospérité économique, la vigueur
exceptionnelle de son people, ses traditions de lutte, son appartenance à une
culture et à une civilisation communes au Maghreb et au monde arabe, ce sont la
autant de facteurs qui ont longtemps soutenu la résistance nationale.
Cette combativité prolongée, si elle n'a
pas permis, en fin de compte, de repousser
l’envahisseur, a cependant eu le mérite historique d'avoir contrecarré, dans
une large mesure, l’entreprise d’extermination et sauvegardé la permanence de
la nation,
N'ayant pu atteindre complètement son
objectif initial le colonialisme français s’est appliqué, par d'autres
méthodes, à provoquer I'arriération et la mort lente de la société algérienne.
L'expropriation massive des terres, le
refoulement systématique des Algériens vers les régions incultes, la spoliation et le
pillage des richesses naturelles du pays et des biens nationaux, 1'étouffement
de la culture et des libertés élémentaires, ont eu pour résultats :
1e) L'implantation de plus en plus
intensive d'un peuplement étranger conçu à la fois comme instrument de
I'impérialisme et comme société coloniale vouée tout entière à la direction
politique et administrative et il l’exploitation du peuple algérien;
2e) D'asseoir et de consolider en
Algérie, les structures économiques et stratégiques de l’impérialisme français
en fonction de son hégémonie au Maghreb et en Afrique Noire
3e) De cantonner la société algérienne,
ainsi dépouillée de ses moyens et de ses possibilités, dans des limites
étroites qui la mettaient hors de l’évolution contemporaine.
Ce faisant, le
colonialisme la condamnait à la régression dans le sens d'un retour au système
féodaliste et à un mode de vie archaïque.
B) Pays semi-féodal, l'Algérie, comme la plupart des
pays d'Afrique et d'Asie, a connu le féodalisme en tant que système économique
et social. Ce système se
prolonge plus ou moins jusqu’a nos jours, après avoir subi, depuis 1830, une
série de reculs et de transformations.
Le féodalisme est une conception de la
société qui correspond A une étape du développement de I'histoire de
I'huma-.nité. Cette étape est aujourd'hui dépassée; le féodalisme constitue un
élément rétrograde et anachronique.
1) Au moment de la
conquête coloniale, les féodaux algériens, qui étaient déjà impopulaires,
s’empressèrent de pactiser avec l'ennemi, n'hésitant pas à participer à sa
guerre de pillage et de répression. L'émir
Abdelkader, chef de l’état algérien et artisan de La Résistance, dut entreprendre,
contre eux, une lutte implacable. C’est ainsi qu'il détruisit leur coalition
par les deux batailles de Meharez et de la Mina en 1834. Dails sa politique traditionnelle, le
colonialisme s’est constamment appuyé sur les féodaux algériens contre les
aspirations nationales. C’est pour les sauver de La destruction et de la
vindicte populaire et les organiser en tant que corps permanent que le
colonialisme prit, dans ce but, une ordonnance en 1838.
De caste militaire et
terrienne quelle était, la féodalité algérienne est devenue progressivement
administrative. Ce rôle
lui, permis de poursuivre son
exploitation du peuple et d'agrandir ses domaines fonciers, Le corps des caïds,
tel qu’il s’est perpétué jusqu'a nos jours, est l’expression la plus typique de
cette féodalité.
Parallèlement A ce
féodalisme agraire et administratif, il convient de noter l’existence d'une
autre sorte de féodalisme; Le maraboutisme des grandes congrégations.
Ce dernier, qui avait
pourtant joué avant 1830, et, épisodiquement jusqu’en 1871, un rôle positif
dans la lutte nationale, s’est souvent converti, d'une façon partielle, en un
féodalisme administratif. Dans
Le contexte obscurantiste dé la colonisation., il n'a cessé d’exploiter, par la
superstition et des pratiques grossières, le sentiment religieux.
Ainsi, après avoir été l'allié du
colonialisme au début de La conquête, Le féodalisme était devenu son auxiliaire
le plus docile.
Dans le cadre de la lutte libératrice,
le peuple algérien en mouvement, tout en ébranlant l'édifice colonial a porté
le coup de grâce au féodalisme en tant qu'organisation administrative et
patriarcale.
2e) Cependant, si Le féodalisme dans
sa forme organisée est mort, ses survivances idéologiques et ses vestiges
sociaux demeurent. ils ont contribué à altérer l’esprit de I’islam et entraîné
I'immobilisme de La société musulmane.
Le féodalisme, produit de la décadence
du Maghreb A un moment de son histoire, n'a pu se perpétuer que dans un
contexte de valeurs sociales, culturelles et religieuses elles-mêmes dégradées,
Reposant sur le principe d'une
autorité patriarcale et paternaliste, source d'arbitraire, il représente, de
plus, une forme aigu de parasitisme. C’est
par ces deux aspects qu'il favorise La persistance des structures et concepts
d'un autre age : esprit tribal, régionalisme, mépris et ségrégation de la
femme, obscurantisme et tabous de toutes sortes. Toutes ces conceptions et pratiques
rétrogrades qui se trouvent encore à 1'état diffus dans La vie rurale
algérienne constituent un obstacle au progrès et A La libération de
I'homme. La paysannerie
algérienne, qui a toujours lutté contre I'oppression et 1'immobilisme inhérents
au système féodal, ne pouvais pas, elle seule, en triompher. C’est la Révolution qu'il revient de
liquider définitivement les survivances anti-nationales, anti-sociales et
anti-populaires du féodalisme.
II. - CONTENU SOCIAL
DU MOUVEMENT DE LIBERATION NATIONALE
Depuis le 1er Novembre 1954, une
nouvelle dimension est apparue dans la vie de la société algérienne jusqu'ici
statique; le mouvement déterminé par l’engagement collectif du peuple dans la
lutte nationale.
Ce mouvement, par sa profondeur et sa
continuité a remis en question toutes les valeurs de I'ancienne société et posé
les problèmes de la société nouvelle.
Quelles ont été et queues sont les
composantes sociales de ce mouvement ?
D'abord le peuple pris dans son
ensemble et notamment ses couches les plus opprimées :
1e) Les
paysans pauvres, principales victimes de l’expropriation foncière, du
cantonnement et de l’exploitation colonialistes. Il s'agit des ouvriers
agricoles permanents ou saisonniers, des khammès et des petits métayers,
auxquels peuvent s’ajouter les tout-petits propriétaires
2e) Le prolétariat relativement peu
nombreux et le sous-prolétariat pléthorique des villes. Ils sont constitués, en
majeure partie, par des paysans, expropriés et déclassés qui ont été contraints
à chercher un travail loin des campagnes et même d'émigrer en France ou on les
emploie, très souvent, dans les travaux les plus pénibles et les moins bien
rémunérés;
3e) Une autre catégorie sociale intermédiaire
est celle des artisans., petits et moyens employés, fonctionnaires, petits
commerçants et certains membres des fonctions libérales, le tout constituent ce
qu'on pourrait appeler la petite bourgeoisie. Cette catégorie a participé souvent
activement à la lutte libératrice en lui donnant des cadres politiques.
4e) Il y a enfin, une classe
bourgeoise relativement peu importante composée d'hommes d'affaires, de gros
négociants, de chefs d’entreprises et de rares industriels.
A cette classe s'ajouté, celles des
gros propriétaires, fonciers et des notables de I'administration coloniale.
Ces deux dernières couches sociales
ont participé au mouvement d'une façon
épisodique, soit par conviction patriotique, soit par opportunisme. il y a lieu
d’en excepter les féodaux administratifs notoires et les traîtres qui ont pris
fait et cause pour le colonialisme.
L'analyse du contenu social de la lutte de libération
fait ressortir que ce sont les paysans et les travailleurs en Général qui ont
été la base active du mouvement et lui ont donné son caractère essentiellement
populaire. Leur
engagement massif a entraîné à leur suite les autres couches sociales de la
nation. Il a notamment suscité un phénomène important : l’engagement total de
la jeunesse algérienne quelle que soit son origine sociale. Il convient de
noter, à cet égard, que dans la plupart des cas ce sont les jeunes gens issus
de la bourgeoisie qui ont déterminé l'adh,ésion de celle-ci à la cause de
l'indépendance.
Le mouvement populaire a eu pour effet
de dépasser, dans le cours de la lutte armée, I'objectif du nationalismes
libérateur vers une perspective plus lointaine, celle de la Révolution. Par
sa continuité, son effort soutenu et
les immenses sacrifices qu'il a entraînés, il a contribué à donner à la
conscience nationale fragmentaire une forme plus homogène. De plus, il a prolongé celle-ci en
conscience collective orientée dans le sens de la transformation
révolutionnaire de la société.
C’est là un fait qu'on ne saurait
assez souligner et qui donne au mouvement de libération algérien son caractère
spécifique par rapport aux autres mouvements nationalistes du Maghreb.
La Révolution algérienne n'est pas le
produit abstract d'une vue de l’esprit, ni un schéma théorique. Elle résulte
d'une nécessité historique contraignante qui est déterminée par le processus
objectif de la lutte de libération
l!I. -- LES TACHES PRINCIPALES DE LA
REVOLUTION DEMOCRATIQUE POPULAIRE
Dans tout ce qui précède nous avons
examiné la situation générale de la société au moment de I'accession de
l’Algérie à son indépendance ainsi que les caractéristiques principales du
mouvement de libération nationale.
Tous les acquis de cette lutte doivent
être étudiés, organisés et parachevés; c’est là la tâche historique de la
révolution démocratique populaire.
Ceci implique nécessairement un effort
d'analyse et de formation adéquat, une orientation juste et ferme, des options
claires.
Deux impératifs doivent inspirer notre
action
1e) Partir de la réalité algérienne il
travers ses données objectives et les aspirations du peuple;
2e) Exprimer cette réalité en tenant
compte des exigences du progrès moderne,. des acquisitions de la science, de l’expérience des
autres mouvements révolutionnaires et de la lutte anti-impérialiste dans le
monde.
De même qu'il faut éviter de s'inspirer de schémas
tout faits sans référence à la réalité concrète de I'Algérie, il faut se
garder, de la même façon, de tomber dans l’erreur de ceux qui prétendent
pouvoir se passer de l’expérience des autres et des apports révolutionnaire de
notre époque.
Par quoi se caractérise la révolution
algérienne ?
Le mot (( Révolution)) à été longtemps
employé, tort et à travers
en l’absence de tout contenu précis. Pourtant, il n'a cessé de galvaniser
l’élan des masses populaires, qui, par instinct. Lui ont donné un sens .au-delà
même de libération. Ce qui
lui manquait, ce qui lui manque encore pour mérité toute sa signification,
c’est le support idéologique indispensable. Pendant la guerre de libération, le
mouvement même de la lutte a suffi pour propulser et drainer les aspirations
révolutionnaires des masses. Aujourd’hui. Qu’il s ‘est arrêté avec la fin
de la guerre et le rétablissement de l’indépendance. Il importe de la prolonger
sans tarder sur le plan idéologique. A la lutte armée doit succéder le combat
idéologique ; à la lutte pour l’indépendance nationale succèdera la Révolution démocratique populaire.
La révolution démocratique populaire
populaire, l’édification conscience du pays dans le cadre de principe
socialistes et d’un pouvoir aux mains du peuple. Dans le cadre de principes
socialistes et d’un pouvoir aux mains du peuple.
A) LE CONTENU DEMOCRATIQUE
La Révolution a pour
tâches de consolides la nation devenue indépendante en lui restituant toutes
ses valeurs frustrées ou détruites par le colonialisme : un Etat
souverain, une économie et une culture nationales. Ces valeurs seront
nécessairement conçues et organisées dans perspective moderne. Ceci implique
l’abolition des structures économiques et sociales du féodalisme et de ses
survivances et établissement de nouvelles structures et instructions
susceptibles de favoriser et garantir l’émancipation de l’homme et la
jouissance plein et entière de ses libertés.
Les conditions économiques
du pays déterminent sa situation sociale et culturelle. Le développement de
l’Algérie pour qu’il soit rapide. Harmonisé et dirigés vers la satisfaction des
besoins de tous dans le cadre de la collectivisation, doit être nécessaire
conçu dans une perspective socialiste.
L’esprit démocratique ne
doit pas être spéculation purement théorique. Il doit se concrétiser dans des
institutions étatiques bien définies et dans tous les secteurs de la vie
sociale du pays.
Le sens de la responsabilité.
Emanation de la plus fidèle de l’esprit démocratique, doit se partout au
principe d’autorité d ‘essence féodale et de caractère paternaliste.
B) LE CONTENU POPULAIRE :
Le sort de l’individu étant
lié à ce celui de la
société tout entière, la démocratie, pour nous, ne doit pas être seulement
l’épanouissement des libertés individuelles, elle est surtout l’expression
collective de la responsabilité populaire.
L’édification d’un Etat
moderne sur des bases démocratique, anti-impérialiste et anti-féodales, ne sera
rendre possible que par l’initiative, la vigilance et le contrôle direct du
peuple.
Les tâches de la
révolution démocratique en Algérie sont immenses. Elles ne peuvent être
réalisées par une classe sociale aussi éclairée soit-elle ; seul le peuple
est en mesure de les mener à bien, c’est-à-dire la paysannerie, les
travailleurs en général, les jeunes et les intellectuels
révolutionnaires.
L'expérience de certains pays
nouvellement indépendants, enseigne qu'une couche sociale privilégié, peut
s’emparer du pouvoir A son profit exclusif. Ce faisant elle frustre le peuple du
fruit de sa lutte et se détache de lui pour s'allier A I'Impérialisme. Au nom de I'union nationale, qu’elle
exploite opportunément, la bourgeoisie prétend agir pour le bien du peuple en
lai demandant de la soutenir.
Or, son origine relativement récente,
sa faiblesse en tant que groupé social sans assises profondes, I'absence, chez
elle, de véritables traditions de lutte, limitent son aptitude i promouvoir la
construction du pays et il défendre contre les visées impérialistes.
La prise du pouvoir en Algérie exige
qu’elle se fasse dans la clarté.
L'union nationale n’est pas I'union autour de la classe
bourgeoise. Elle est
I'affirmation de l’unité du peuple sur (a base des principes de la Révolution
démocratique populaire à la nécessité de laquelle la bourgeoisie elle-même
devra subordonner ses intérêts.
La logique de I'histoire et l'intérêt
supérieur de la nation en font un impératif.
Le patriotisme de la bourgeoisie se
mesurera, pour nous, au fait qu’elle admette cet impératif, qu’elle apporte son
appui à la cause révolutionnaire et qu’elle renonce A vouloir diriger les
destinées du pays.
La vigilance commande, dans
I'immédiat, de combattre ces dangers et de prévenir, par des mesures adéquates,
l’extension de la base économique de la bourgeoisie en liaison avec le
capitalisme néo-colonial.
C) POUR UNE AVANT-GARDE CONSCIENTE :
La réalisation des objectifs de la
Révolution démocratique populaire nécessite le dégagement et la formation d'une
avant-garde consciente qui comprendra des éléments issus de la
paysannerie, des travailleurs en général, des jeunes et des intellectuels
révolutionnaires.
Cette avant-garde aura pour rôle
d'élaborer une politique et sociale reflétant fidèlement les aspirations des
masses dans le cadre de la Révolution démocratique populaire.
La Révolution n’est pas un ensemble de
recettes pratiques qu'on applique d'une façon paresseuse et bureaucratique. Il
n'y a pas d'idéologie toute faite; il y a un effort idéologique constant et
créateur.
La guerre de libération a entraîné,
pendant sept ans et demi, des bouleversements considérables dans la société
algérienne. Cette situation
" fait nouvelle et I'instauration du régime politique entièrement nouveau
qu’elle exige, nous font obligation de créer une pensée nouvelle.
1e)
L'édification d'un Etat moderne et l'organisation d'une société révolutionnaire
imposent le recours A des méthodes et critères scientifiques dans la théorie et
dans la pratique. La
conception et l’exercice de la responsabilité politique doivent s'appuyer sur
I'analyse objective des faits et l’appréciation correcte des réalités. Cc qui suppose, aussi, un esprit de
recherche rationnelle et un effort de prospection concrète ;
2e) Cela ne va pas, naturellement,
sans le rejet absolu de toutes les formes de subjectivisme : I'improvisation,
I'approximation, la paresse intellectuelle, la tendance à idéaliser la réalité
en n’en retenant que les .aspects spectaculaires et gratuits. De plus, il importe de se méfier du
moralisme, tendance d’esprit idéaliste et infantile qui consiste à vouloir
transformer la société et 'à résoudre ses problèmes à I'aide des seules valeurs
morales. C'est la une
conception erroné et confusionniste de
I'action révolutionnaire dans sa phase constructive. Le moralisme, que certains professent
volontiers, est I'alibi facile de I'impuissance à agir sur la réalité sociale
et à I'organiser positivement. L’effort révolutionnaire ne se réduit pas
il de bonnes intentions aussi sincères soient-elles; il requiert, surtout,
l’emploi de matériaux objectifs. Les
.valeurs morales individuelles,.si elles sont respectables et nécessaires, ne
peuvent être déterminantes dans la construction de la société. C’est la bonne marche de celle-ci qui
crée les conditions de leur, .épanouissement collectif.
D) POUR UNE NOUVELLE- DEFINITION DE LA
CULTURE.
La nécessité de créer une pensée
politique et sociale nourrie de principes scientifiques et prémunie contre les
habitudes d’esprit erronées, nous fait saisir l'importance d'une conception
nouvelle de la culture.
La culture algérienne sera nationale,
révolutionnaire et scientifique.
le) Son rôle de culture nationale consistera, en
premier lieu, à rendre à la langue arabe, expression même des valeurs
culturelles de notre pays, sa dignité et son efficacité elle tant que langue de
civilisation. Pour. cela,
elle s’appliquera à reconstituer à revaloriser et à faire connaître le
patrimoine national et son double humanisme classique et moderne afin de les
réintroduire dans la vie intellectuelle et l’éducation de la sensibilité
populaire. Elle combattra ainsi le cosmopolitisme culturel et l’imprégnation
occidentale qui ont contribué à inculquer à beaucoup d’algériens le mépris de
leurs valeurs nationales.
2') En tant que culture
révolutionnaire elle contribuera à I’œuvre d'émancipation du peuple qui
consiste à liquider les séquelles du féodalisme. Les mythes anti-sociaux et les
habitudes d’esprit rétrogrades et conformistes. Elle ne sera ni une culture de
carte fermée au progrès ni un luxe de l’esprit. Populaire et militante, elle
éclairera la lutte des masses et combat politique et social sous toutes ses
formes. Par sa conception de culture active au service de la société. Elle
aidera au développement de la conscience révolutionnaire en reflétant. Sans
cesse, les aspirations du peuple, ses réalités et ses conquêtes nouvelles,
ainsi que toutes les formes de ses traditions artistiques ;
3e) Culture scientifique
dans ses moyens et sa portée. La culture algérienne devra se définir en
fonction de son caractère rationnel, de son équipement technique, de l’esprit
de recherche qui l’anime et de sa diffusion méthodique et généralisée à tous
les échelons de la société.
De là, découle la nécessité de
renoncer aux conception routinières qui pourraient entraver l’effort créateur
et paralyser l’enseignement en aggravant l’obscurantisme hérité de la
domination coloniale. Cette nécessite s’impose, d’autant plus, que la langue
arabe à subi un tel retard comme instrument de culture scientifique moderne,
qu’il faudra la promouvoir, dans son rôle futur, par des moyens rigoureusement
concrets et perfectionnés.
La culture algérienne ainsi définie
devra constituer le lien vivant et indispensable entre l’effort idéologique de
la Révolution démocratique populaire et les tâches concrètes et quotidiennes
qu’exige l’édification du pays.
A cet égard, le relèvement
indispensable du niveau culture des militants des cadres, des responsables et des masses en
général, revêt une importance capitale.
Il permettra, notamment, d’inculquer à
tous, le sens du travail et d’élever, ainsi, le rendement de la production dans
tous les domaines.
L’avant-garde révolutionnaire du
peuple doit donner l’exemple en l’élevant son propre niveau culturel et en
faisant de set objectif son mot d’ordre constant.
Il convient de rappeler que les
paysans et les ouvriers, qui ont été les principales victimes de
l’obscurantisme colonial, gagneront à élever leur niveau culturel afin de faire
face, plus efficacement, aux tâches et responsabilités qui leur incombent dans
la Révolution.
Il y a lieu, ici, de dénoncer
vigoureusement la tendance qui d’un consiste à sous-estimer l’effort
intellectuel et à professer, parfois, un anti-intellectualisme déplacé.
A cette attitude répond, souvent, un
autre extrême qui rejoint, par plus d’un point, le moralisme petit-bourgeois.
Il s’agit de la conception qui consiste à utiliser l’islam à des fins
démagogiques pour éviter de poser les vrais problèmes. Certes, nous appartenons
à la civilisation musulmane qui à profondément et durablement marqué l’histoire
de l’humanité : mais, c’est rendre un mauvais service à cette civilisation
que de croire que sa renaissance est subordonnées à de simples formules
subjectives dans le comportement général et la pratique religieuse.
C’est ignorer que la civilisation
musulmane, en tant qu’édification concrète de la société, à commencé et s’est
longtemps poursuivie par un effort positif sur le double plan du travail et de
la pensée, de l’économie et de la culture. De plus, l’esprit de recherche qui
l’a animée , son ouverture rationnelles sur la science, les cultures étrangères
et l’universalité de l’époque. Ce sont, avant tout, ces critères de création et
d’organisation efficiente des valeurs et des apports qui l’ont fait largement
participer au progrès humain dans le passé, et, c’est par là que doit débuter
toute renaissance véritable. En dehors de cet effort nécessaire, qui doit être
entrepris en premier lieu sur des bases tangibles et suivant un processus
rigoureusement ordonné la
nostalgie du passé est synonyme d’impuissance et de confusion.
Pour nous l’islam, débarrassé de
toutes les excroissance et superstitions qui l’ont étouffé ou altéré, doit se
traduire, en plus de religion en tant que telle, dans ces deux facteurs
essentiels : la culture et la personnalité.
Liée, par ailleurs, aux impératifs
multiples de la culture nationale, révolutionnaire et scientifique,
l’importance du développement de notre personnalité n’est plus à démontrer. La
lutte victorieuse de libération vient d’en dégager des aspects majeurs inconnus
ou méconnus jusqu’ici.
La personnalité algérienne se
fortifiera encore d’avantage dans l’avenir, tant est grande la capacité de
notre peuple de suivre le mouvement de l’histoire sans rompre avec son passé.
Résolument orientée vers la
réalisation de ses tâches révolutionnaires. L’avant-garde consciente du peuple
algérien, commencera, d’abord, par déployer la voie qui mène au progrès
collectif de la société en liquidant les séquelles et survivances des systèmes
révolus, en dissipant les équivoques et les fictions démagogiques. Le succès de
la révolution démocratique populaire est à ce prix.
POUR LA REALISATION DES TACHES ECONOMIQUES ET SOCIALES DE LA REVOLUTION
DEMOCRATIQUE POPULAIRE
Il S'agit de formuler notre action sur le
triple plan économique, social et international, en vue de libérer l’Algérie
des séquelles du colonialisme et des survivances féodales et de définir les
structures de la société nouvelle, qui doit être construire sur des bases
populaires et anti-impérialistes.
Le choix de ces lignes d’action
signifie :
- Une économie nationale :
- Une politique sociale au profit des masses pour élever le
niveau de vie des travailleurs. Liquider l’analphabétisme, améliorer l’habitat
et la situation sanitaire, libérer la femme :
- Une politique internationale basée sur l’indépendance
nationale et la lutte anti-impérialiste.
1- EDIFICATION D’UNE ECONOMIE NATIONALE
A) APERÇU DE LA SITUATION ECONOMIQUE ET SOCIALE DE L’ALGERIE
COLONIALE.
1°) L’économie algérienne est une économie coloniale,
dominée par la France et entièrement aux mains de l’étranger :
Elle est une source de matière
première et un débouché pour les produits manufacturé. Sa dépendance se traduit
par l’importance des échanges extérieur par rapport à la production nationale
et part prépondérante de la France dans les échanges l’Algérie a toujours été
le premier fournisseur de la France les investissements le règlement de la
balance des comptes, l’absence d’industrialisation sérieuse.
Une minorité implantée à la faveur de
la conquête s’est emparée avec l’appui du colonisateur des principaux moyens de
production et de financement. Elle possède l’essentiel des terres productives
(2.726.700 ha).
monopolise les banques, I'activité industrielle et
commerciale (90% du total), encadre techniquement et administrativement le pays.
2e) L’économie algérienne est une
économie déséquilibrée et désarticulée.
Deux secteurs reliés entre eux par un
réseau commercial fragile y coexistent.
a) Le
secteur moderne et dynamique est de type capitaliste. Il constitue un véritable
avant poste de 1'économie française et englobe I'agriculture européenne tournée
vers les marches urbains et I'exportation, les différentes branches
industrielles, les transports, le grand commerce et les services.
La participation algérienne à ce
secteur est faite surtout en main-d’œuvre.
b) Le secteur traditionnel dont vit
l'essentiel de ]a population algérienne C’est-à-dire 5.225.000 personnes,
conserve les structures hérites du passé. L'économie de subsistance et le.
rapports de production pré capitalistes y dominent. Les moyens techniques et
financiers sont presque nuls.
3e) Conséquences sociale de la
domination coloniale.
Les conséquences sociales de cette
économie dépendante, désarticulée et dominée sont durement ressenties par
l'ensemble des populations algériennes et apparaissent dans la grande disparité
des revenus. L'ensemble des
Français d'Algérie dispose d'un revenu annuel moyen supérieur 350.000 à francs
par personne, alors que celui des Algériens est inférieur à 50.000 francs et
représente moins de 20.000 francs pour la masse vivant dans le secteur
traditionnel.
Les conséquences sociales apparaissent
également dans la non-intégration au circuit économique de deux millions et
demi d'Algériens 990.000 chômeurs totaux et partiels dans les villes, 1 million
et demi d'employés à la campagne - I'exode rural, 1'émigration de 400.000
Algériens vers la France, I'analphabétisme (plus de 415 des personnel âgée de
plus de 6 ans sont illettrées, la déficience de I'habitat et de I'organisation
sanitaire que traduisent la multiplicité des bidonvilles et des taudis et la
faible implantation sanitaire dans les campagnes.
B) PRINCIPES DE NOTRE POLITIQUE
ECONOMIQUE.
1') Contre la domination étrangère et
le libéralisme économique.
L'aspiration de notre peuple 'a un
développement économique et à 1'élévation de son niveau de vie est partout
profonde et irrésistible.
Dans les pays nouvellement
indépendants, le recours aux méthodes du libéralisme classique ne peut
permettre une transformation réelle de la société,
Dans notre état actuel, la planification rencontrera de
sérieux obstacles parmi lesquels le manque de capital, 1'absence de cadres
qualifiés et le retard culturel. Mais
entre la stagnation dans un cadre libéral et le progrès par la planification de
l’économie, notre parti choisit la planification :
L'arriération économique et culturelle exige de nous une
tension extraordinaire de nos forces, une utilisation juste de toutes les
ressources matérielles et humaines en vue de développer le pays et de réaliser
les tâches de )a Révolution démocratique populaire.
La relance de l'économie sur de
nouvelles bases passe par un bouleversement complet des structures actuelles.
C) LES TACHES ECONOMIQUES DE LA REVOLUTION DEMOCRATIQUE
POLULAIRE.
1) La révolution agraire. Dans le contexte algérien la
révolution démocratique populaire est d’abord une révolution agraire.
La création d'un marché inférieur et l'amorce de
l'industrialisation sont conditionnées par une véritable révolution dans la vie
rurale. Tache prioritaire,
la révolution agraire comporte trois aspects en interaction : la réforme
agraire, la modernisation de I'agriculture et la conservation du patrimoine
foncier.
a) La réforme agraire.
Base active de la guerre de libération
dont elle à supporté te fardeau le plus lourd, la paysannerie qui constitue 1'écrasante
majorité de la nation, à mis tous ses espoirs dans I'indépendance. La satisfaction de ses intérêts
matériels et culturels, valorisera la production. dégagera un marché pour
I'industrie et ramènera, la stabilité dans les compagnes durement éprouvées par
lit guerre coloniale.
La liquidation des bases économiques
de fa colonisation agraire et la limitation de la propriété foncière en général
rendront disponibles les superficies nécessaires ,à une réforme agraire
radicale.
Du point de vue économique, la nature des cultures
exploitées sur les terres des gros colons et des grands propriétaires
algériens, le degré de mécanisation de leurs exploitations, incitent notre
Parti et préconiser des formes collectives de mise en valeur et un partage des
terres sans parcellisation. Cette solution doit être appliquée avec I'adhésion
volontaire de la paysannerie afin d’éviter les conséquences désastreuses de
formules d’exploitation imposées.
La réforme agraire doit être entreprise autour
du mot d'ordre ((la terre à ceux qui la travaillent )) et selon les principes
suivants
1°) Interdiction
immédiate des transactions sur la terre et les moyens de production de
I'agriculture.
- L'extension de I'aire irrigable
- Le défrichement de nouvelles terres.
La surpopulation relative des
campagnes permet une mobilisation rapide de la main-d’œuvre inemployée pour la
conquête des sols. C’est là
une entreprise d'une importance capitale. L'organisation démocratique de chantiers
ruraux résorbera le chômage, permettra la récupération de barges surfaces et
libèrera toutes les forces productives.
Cette transformation des structures
agraires doit être le point de départ pour le développement de
l'infrastructure, la -nationalisation du crédit et du commerce extérieur dans
un premier stade, la nationalisation des richesses naturelles et de I'énergie
dans un second stade. De
telles mesures accélèreront I'industrialisation en grand du pays.
2°) Développement de l’infrastructure.
Le réseau ferroviaire et le réseau
routier, dans notre pays ont été conçus en fonction des impératifs économiques
et stratégiques de la colonisation. Au
cours de la guerre de nombreuses pistes et des chemins vicinaux ont été mis en
chantier pour faciliter la pénétration des troupes françaises. Ils peuvent constituer la base du
développement d'une infrastructure convenable pour faciliter le progrès des
échanges et supprimer tout frein à 1'élargissement du marché intérieur et à la
commercialisation des produits agricoles. La politique du Parti doit tendre à
- Nationaliser les moyens de
transports ;
- Améliorer et perfectionner les
réseaux routiers et ferroviaires
- Instituer des liaisons routières
entre les grandes voies de communication et les marchés ruraux.
3°) Nationalisation du crédit et du
commerce extérieur.
- La nationalisation du crédit et du
commerce extérieur implique
a) La nationalisation des compagnies
d'assurances
b) La nationalisation des banques.
C'est là une tâche à accomplir dans
des délais rapprochés. La
multiplicité des banques leur permet d’échapper au contrôle national. Leur reconversion récente ou prochaine
en sociétés de développement ne doit pas masquer leur caractère essentiel, un
instrument de chantage financier.
c) La nationalisation du commerce
extérieur
La
politique commerciale de I'Algérie doit s'inspirer des principes suivants :
- Supprimer à un rythme et selon des modalités à fixer le
régime préférentiel entre
la France et I'Algérie.
Assurer des échanges équilibrés fondés
sur I'égalité et I'avantage réciproque.
Développer, les échanges avec les pays
qui offrent des prix constants et marché
à Lang terme et ou nous pourrons trouver, à meilleur compte, des biens d’équipement :
Nationaliser en priorité les bronches essentielles du
commerce extérieurs et du commerce de gros et créer des sociétés d’état par
produit ou groupe de produits.
Une telle organisation permet un
contrôle réel de l’état sur l’import-export, facile une action efficace sue la
consommation et procure des bénéfices commerciaux pour les investissements dans
les branches productives :
Contrôler les prix et créer des magasins d’état dans les
centres ruraux pour combattre la spéculation et l’usure.
4°) Nationalisation
des richesses minérales et énergétiques.
C’est là un but à long terme. Dans l’immédiat le parti
doit lutter pour :
L’extension du réseau de gaz et d’électricité dans les
centres ruraux :
La préparation des ingénieurs et techniciens de tous les
niveaux selon un plan qui mettrait le pays en mesure de gérer lui même ses
richesses minérales et énergétiques.
5°) l’industrialisation
Les progrès de l’économie agricole et la mobilisation des
masses ne peuvent faire avancer le pays que sur une base technique et
économique donnée fournie par les progrès de l’industrie.
Il existe déjà en Algérie un secteur d’état. L’état
algérien aura pour mission de l’étendre dans le secteur des mines, des carrière
et cimenteries.
Mais le développement réel et à long terme du pays est
lié à l’implantation des
industries de base nécessaires aux besoins d’une agriculture moderne.
A cet égard, l’Algérie offre de
grandes possibilités pour les industries pétrolières et sidérurgiques. Dans ce
domaine il appartient à l’état de réunir des conditions nécessaires à la
création d’une industrie lourde.
Dans les autres domaines et de
l’économie, l’initiative privée peut être encouragée et orientée dans le cadre
du plan général d’industrialisation.
A aucun prix d’état ne doit contribuer
à créer, comme cela s’est faut dans certains pays, une base industrielle au
profit de la bourgeoisie locale dont il se doit de limiter le développement par
des mesures appropriées,
L’apport des capitaux privés étrangers
est souhaitable dans les limites de certaines conditions
Il doit être complémentaire dans le
cadre d’entreprises mixtes :
Le transfert des bénéfices doit être
réglementé et permettre le réinvestissement sur place d’une partie des
bénéfices.
Dans une première étape. L’état doit
orienter ses efforts vers le perfectionnement de l’artisanat et l’industrie
locales ou régionales pour exploiter sur place les matières première de
caractère agricole.
II. REALISATION DES ASPIRATIONS SOCIALES
DES MASSES
1°) Elévation du niveau de vie.
L’amélioration progressive des
conditions de vie des masses et la résorption du chômage stimuleront l’élan
créateur du peuple et favoriseront le progrès.
Pour que l’élan des masses et leur
mobilisation deviennent une constante de la vie du pays. L’étalage de l’aisance
et du luxe. Le gaspillage des derniers de l’état, les dépenses somptuaire et
les traitements mirifiques doivent être sévèrement condamnés. Ce sont autant de
facteurs qui donnent la conviction aux masses d’être seules à supporter les
frais de l’édification. Austérité donc pour les mieux nantis.
Bien plus, la gestion par l’état de
certains entreprises ne saurait, à aucun moment, justifier la détérioration des
conditions de vie des travailleurs auxquels doit être reconnu le droit de grève.
2°) liquidation de l’analphabétisme et
développement de la culture nationale.
Avant le 1er Novembre 1954 le peuple algérien à
manifesté sont attachement aux valeurs nationales élaborées dans la cadre de la
civilisation arabo-musulmane par la création de l’entretien de medersa libre,
malgré l’opposition des autorités coloniales., au cours de la lutte de
libération également, les directions des wilayas ont déployer des efforts
méritoire pour mettre la culture à la portée de notre peuple. Dans notre pays,
la question culturelle implique :
a) La restauration de la culture nationale et l’arabisation
progressive de l’enseignement sur une base scientifique. De toutes les tâches
de la révolution, celle-ci est la plus délicate, car elle requit des moyens
culturels modernes et ne peut s’accomplir dans la prescription sans risque de
sacrifier des générations entières :
b) La préservation du patrimoine national
de culture populaire;
c) L’élargissement du système scolaire
par I'accession de tous les niveaux de I'enseignement ;
d) L'algérianisation des programmes par
leur adaptation aux réalités du pays.
c) L'extension des méthodes d'éducation
de masse et la mobilisation de toutes les organisations nationales pour butter
contre I'analphabétisme et apprendre A tous les citoyens à lire et à écrire dans les délais les plus
brefs.
Sans une scolarisation
massive et intensive, sans la formation de cadres techniques administratifs et
enseignants, il sera difficile de prendre rapidement en main tous les rouages
de 1’économie nationale.
3°) L’habitat.
La stagnation économique et
sociale de la société rurale, la sédentarisation empirique des populations
depuis la conquête se reflètent dans la prolifération des taudis jusqu'aux
abords des grandes villes et des centres urbains accentué phénomène par le
(regroupement) de deux millions de paysans. Le Parti doit prendre des mesures
urgentes pour reloger, dans des conditions décentes, les populations éprouvées
par la guerre et tout en parant aux nécessités immédiates, reconstruire dans le
cadre d’un plan élaboré en fonction de leur réintégration dans le circuit
économique.
Dans les villes, il est nécessaire de
faire adopter rapidement une réglementation des loyers et d'utiliser des
logements non occupés ou insuffisamment occupés.
4°) La santé publique
La médecine et les
installations sanitaires doivent être rapidement nationalisées de façon à
assurer la médecine gratuite pour tous dans les délais les plus brefs.
Cette nationalisation sera
mise en oeuvre d'après les principes suivants
a) Développement d'un service national de
santé qui prend en charge tous les
hôpitaux et installations sanitaires.
Ce service national de
santé fonctionnera avec des médecins à plein temps qui bénéficient de
meilleures conditions de travail et de recherche et peuvent seuls accéder à la
carrière universitaire et hospitalière.
L'institution du service
national de santé doit prévoir I'absorption progressive du secteur libéral
classique.
b) Campagnes, avec I'aide des
organisations de masse et de I'armé, contre les épidémies, les maladies
contagieuses et pour le développement de I'hygiène et I'amélioration de la
santé.
c) Formation accélérée de personnel
médical et sanitaire dans le cadre du plan de développement.
5') Libération de la femme.
La participation de la femme
algérienne à la lutte de libération a créé des conditions favorables pour
briser le joug séculaire qui
pesait sur elle et I'associer d'une manière pleine et entière à la gestion des
affaires publiques et au développement du pays. Le Parti doit supprimer tous les
freins à 1'évolution de la femme et à son épanouissement et appuyer l'action
des organisations féminines. II
existe dans notre société une mentalité négative quart au rôle de la
femme. Sous des formes
diverses tout contribue ;à répandre I'idée de son infériorité. Les femmes elles-mêmes sont imprégnées
de cette mentalité séculaire.
Le Parti ne peut aller de I'avant sans
soutenir une luite permanente contre les préjugés sociaux et les croyances
rétrogrades. Dans ce
domaine le Parti ne peut se limiter à de simples affirmations, mais doit rendre
irréversible une évolution inscrite dans les faits en donnant aux femmes des
responsabilités en son sein.
111. -
POUR UNE POLITIQUE EXTERIEURE INDEPENDANTE
Une juste orientation de la politique
extérieure est un facteur important pour la consolidation de notre indépendance
et I'édification d'une économie nationale.
L'Algérie accède à la souveraineté
dans un contexte international ou le rapport de forces ne cesse d'évoluer en
faveur des peuples et au détriment de I'impérialisme.
L'élan des mouvements de libération en
Afrique, en Asie et en Amérique Latine, la consolidation de l'indépendance dans
les pays anciennement colonisés, I'action des forces démocratiques dans les
pays impérialistes, et le progrès des pays socialistes, accélèrent la
désintégration du. système de l'impérialisme. De nombreuses victoires ont, de ce
fait, été enregistrés ces dernières années.
Cette situation nouvelle a amené
I'impérialisme à reconvertir et à assouplir ses méthodes par le transfert du
pouvoir à des couches bourgeoises ou bureaucratiques restreintes, qu'il associe,
à I'exploitation de leurs peuples. il tente ainsi de démobiliser les mouvements
de libération et de maintenir ses intérêts économiques et stratégiques.
L'alliance des pays impérialistes avec certains
gouvernements d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine, permet, momentanément,
l'impérialisme de retarder son reflux.
Il n’en demeure pas moins que la tendance
générale de notre époque est la réduction de la marge de manœuvre de
I'impérialisme et non pas son élargissement.
Devant la consistance des dangers qui
continuent à menacer notre pays. La politique
extérieure de I'Algérie indépendance doit demeurer fortementguidée par les principes d'une lutte
conséquence contre le colonialisme et l’impérialisme, pour le soutient des
mouvements à l’unité au Maghreb, dans le monde arabe et en Afrique, l’appui au
mouvement de libération et
la lutte pour la paix.
1’) Lutte contre le colonialisme et
l’impérialisme.
la grande leçon de notre guerre de
libération, c’est de nous avoir appris que devant la poussé irrésistible des
peuples, la concurrence entre pays impérialiste à cédé de le pas , à leur solidarité,
malgré la persistance des contradictions mineures. Notre lutte à rencontré chez
les masses de ces pays des échos favorables, mais s’est trouvée en butte à
l’hostilité des gouvernements. Dans son effort de guerre, la France a bénéficié
de l’appui matériel et moral de tous les états occidentaux et particulièrement
celui des U.S.A Notre volonté de poursuivre la révolution rencontrera encore
des obstacles. Cela ne doit en aucun cas nous empêché de déployer le maximum
d’effort pour préserver dans notre action anti-impérialiste.
Le soutien des pays socialiste qui sous des formes
diverses, se sont rangés à nos côté durant la guerre et avec lesquels nous
devons renforcer les liens déjà existants, crée des possibilités réelles de
dégagement à l’égard de l’impérialisme.
Le renforcement du courant neutraliste
auquel nous participons, reflète le dynamisme des peuples en lutte pour la
consolidation de leur indépendance.
L'élargissement de ce courant, dans
chaque pays pris séparément, dépend des options internes et du degré
d'indépendance de son économie. Aussi la politique extérieure de I'Algérie
doit-elle s'orienter, au sein
du courant neutraliste, vers I'alliance avec les pays qui ont réussi à
consolider. leur indépendance et se sont libérés de lise impérialiste.
2’). Soutient des mouvements en lutte pour
I'unité.
L’extension de la lutte
anti-impérialiste nourrit le dynamisme des forces Politiques et sociales qui
allant dans le même sens, oeuvrent pour la réalisation de l’unité au maghreb.
Dans le monde arabe et en Afrique.
Les échecs de la conférence de Tanger
et de I'Union syro-égyptienne, les incertitudes qui pèsent sur la collision du
groupe de Casablanca nous font obligation de définir une attitude de principe
sur ce plan.
Les aspirations à I'unité se situent
dans une perspective historique juste. Elles
traduisent le besoin de libération des masses, leur désir de mettre le
maximum de forces en mouvement pour briser tous, les obstacles à leur
promotion. Pour faire
avancer le mouvement vers I'unité, il ne suffit plus aujourd'hui de se référer
seulement à des facteurs subjectifs.
L'unité entre des pays distincts est
un oeuvre gigantesque qui doit se poser dans le cadre d'options idéologiques,
politiques et économiques communes correspondent aux intérêts des masses
populaires.
Au Maghreb, dans le monde
arabe, comme en Afrique, les manœuvres de division de I'impérialisme, les
intérêts et te particularisme des classes dirigeantes constituent les
principaux freins à la réalisation de I'unité, queues réduisent souvent à un
slogan démagogique.
La tache principale de
notre Parti est d'aider au Maghreb, dans le monde arabe et en Afrique à une
appréciation juste des exigences formidables de la réalisation de
I'unité. Ce travail doit se
faire à 1'échelon des mouvements d'avant-garde et des organisations de masses
pour que soient situés d'une manière concrète les obstacles à vaincre.
Au niveau des Etats, le
développement des échanges, la mise en oeuvre de projets économiques communs,
une politique étrangère concertée, une solidarité totale dans la lutte contre
I'impérialisme sont des objectifs qui, allant dans le sens des intérêts des
peuples, aideront à avancer d'un pas sur, dans la voie
de I'unité.
3’) Appui aux mouvements de libération.
Par son intensité et sa
puissance, la guerre de libération a accéléré le processus de décolonisation,
en Afrique notamment. L'Algérie
indépendante devra apporter une aide pleine et entière aux peuples qui mènent
une lutte conséquente pour la libération de leur pays elle se doit d'apporter
une attention particulière à la situation de l'Angola, de I'Afrique du Sud et
des pays de l’est africain. La
solidarité agissante contre le colonialisme permet à notre pays d’élargir le
front de lutte et de renforcer le mouvement vers I'unité.
4') Lutte pour la coopération
internationale.
La coopération
internationale est nécessaire pour utiliser toutes les ressources matérielles
et humaines en vue du progrès dans un climat de
paix et passe par la mobilisation
permanente des masses contre l'impérialisme.
Le renforcement des liens avec les pays d'Asie, d'Afrique et
d'Amérique Latine, le développement des échanges dans tous les domaines avec
les pays socialistes, l'établissement de relations avec tous les états sur la
base de 1'égalité et du respect mutuel de la souveraineté
nationale et l'action commune avec les forces démocratiques, notamment en
France, mettront notre pays en mesure de faire face à ses responsabilités sur
le plan international. C’est ainsi qu'il pourra apporter une contribution
positive à la lutte contre la course aux armements et les expériences
nucléaires q déroulent sur notre sol même et menacent notre indépendance et
sécurité. C’est ainsi qu'il pourra aider aussi A la liquidation des p
militaires et des bases étrangères.
Cette politique extérieure est le
corollaire indispensable à la création de nos objectifs internes. Elle
permettra à notre pays d'atteindre objectifs de la Révolution démocratique
populaire et de participer construction d'un monde nouveau.
ANNEXE: LE PARTI
Pour réaliser les objectifs
de la Révolution démocratique populaire, il faut un parti de masse puissant et
conscient.
Né dans le feu de I'action,
le FLN a rassemblé en son sein toutes les forces vives de la nation. Des tendances diverses drainant des
idéologies disparates ont coexisté en son sein.
Les structures ont été
élaborées d'une manière empirique et en fonction des besoins immédiate de la
lutte.
Sa reconversion en parti
politique est devenue une nécessité impérieuse pour notre marche en avant.
Le Parti n’est pas un rassemblement
mais I'organisation groupant tous les Algériens conscients qui militent en
faveur de la Révolution démocratique populaire.
L'unité idéologique qui lie
l’ensemble des militants est réalisée sur la base de la conviction
révolutionnaire et de I'adhésion conscience et volontaire 'a la doctrine et au
programme. du Parti. Avant-garde
des forces révolutionnaires du pays, le Parti exclut en son sein la coexistence
d'idéologies différentes.
Le recrutement des
militants doit se faire selon des critères précis et rigoureux, car
l’efficacité d'une organisation ne se mesure pas au volume de ses effectifs
mais à la qualité de ses membres.
En raison de ses objectifs
populaires, le Parti reflète les aspirations profondes des masses. Cette caractéristique doit se
retrouver dans sa composition sociale. Le
Parti se compose en majorité de paysans, de travailleurs en général, de jeunes
et d'intellectuels révolutionnaires.
Fondé sur I'unité
idéologique, politique et organique des forces révolutionnaires qu'il groupe en
son sein, le Parti doit faire autour de lui l'union de toutes les couches
sociales de la nation pour réaliser les objectifs de la Révolution,
LE PARTI, ORGANISATION DEMOCRATIQUE
Reflet fidèle des réalité
du pays dans ce queues ont de dynamique, moyen d’expression des aspirations
populaires, le Parti doit fonctionner sur une base démocratique.
Ceci implique une vie
politique active en son sein et un échange constant entre la base et le sommet,
notamment par un contact permanent des dirigeants avec les organismes de base
et, à travers eux, avec le pays.
Les membres de fa
direction, en particulier, doivent être présents làoù les tâches à réaliser
nécessitent la mobilisation des masses, c’est .à dire surtout à la campagne.
La Direction ne peut établir
abstraitement la ligne politique du Parti mais I'élaborer à partir des
impulsions de fa base.
La fibre discussion et la libre critique, dans le cadre
des organismes du Parti, sont un droit fondamental de tout militant.
Le plein exercice de ce droit permet
d’éviter le travail fractionnel qui doit être sévèrement condamné.
Le fonctionnement démocratique du
Parti repose sur les principes suivants .
Eligibilité des responsables à tous
les échelons :
Périodicité des réunions des instances
du Parti :
Loi de la majorité
Interdiction de sanction contre tout
membre du Parti sans I'accord
de I'organisme auquel il appartient
Obligation, en cas de conflit au sein
des instances supérieures, de porter le débat devant fa base;
Primauté des instances supérieures sur
les instances inférieures.
LES RELATIONS DU
PARTI ET DE L’ETAT
Le Parti trace les grandes lignes de la politique de la nation et inspire
l'action de l’état. La
réalisation du programme du Parti est garantie, dans le cadre de l’état, par fa
participation des militants aux institutions étatiques et notamment aux postes
d'autorité.
Le Parti doit faire en sorte :
- Que le chef et les
membres du gouvernement soient en majorité
membres du Parti
- Que le chef du
gouvernement soit membre du Bureau politique
- Que fa majorité des
membres des Assemblées appartiennent au
Parti.
84
Mais pour ne pas être absorbé par
l’état, le Parti doit s’en distinguer physiquement. à cet égard, la majorité des cadres du
Parti au niveau des différentes directions devront être en dehors des
organismes de l’état et se consacrer exclusivement aux activités du Parti.
Ainsi, sera évité le danger d'un étouffement du Parti et
de sa transformation en auxiliaire de l'administration et en instrument de
coercition, comme I'ont illustré certaines expériences malheureuses,
particulièrement en Afrique.
L’EDUCATION, CONDITION ESSENTIELLE DU
PROGRES
DU PARTI
La formation des cadres est la
condition première de la force du Parti et de la réussite de la
Révolution. Le Parti doit
combler le manque de formation politique de militants dont I'acquis ne peut
provenir seulement de I’expérience quotidienne et de 1'échange d'idées en
milieu restreint.
La formation du militant et
1’élévation de son niveau général sont fondamentales pour I'assimilation de ta
doctrine et du programme et leur diffusion au sein des masses.
Le militant doit être capable de comprendre les problèmes
de sa localité afin d'aider le Parti à maintenir le contact avec le
peuple. Sa formation lui
permet de suivre 1’évolution de la politique sur le plan national et
international, d'assimiler les données du milieu dans lequel il vit et de les
formuler.
L'éducation du militant est un oeuvre
de longue haleine qu'il convient d'accomplir avec régularité et en profondeur.
les moyens à la disposition du parti dans ce domaine sont variés :
l’explication orale à I'occasion des contacts et des réunions, la presse, les
publications diverses du Parti, en particulier celles concernant sa doctrine et
son programme, les écoles de cadres, les stages et les contacts internationaux.
Cette formation du militant est une
condition de l’éducation politique des masses. Cette éducation doit être poussée et
vise à expliquer la portée des objectifs de la Révolution. On ne peut obtenir la mobilisation des
masses si celles-ci ne saisissent pas clairement que leur intérêt est lié à la
réalisation de ces objectifs.
L'unité idéologique, le fonctionnement
démocratique, la formation des cadres, 1'éducation politique des masses sont
des conditions nécessaires pour que le Parti puisse assurer son rôle de guide
éclairé du peuple et de trouver au sein de celui-ci les moyens indispensables
'a la concrétisation de sa politique.
Pour accomplir ces taches, le Parti doit s'appuyer sur
les organisations de masse.
LES ORGANISATIONS DE
MASSES
La diversité des besoins dans le pays s’exprime par l’existence
d'organisation de masses. Le
Parti aidera à la création de ces organisations. il doit les animer pour
assurer leur orientation cohérente dans le cadre de son programme
d’ensemble. Son influence
se manifeste par la présence en leur sein de militants éprouves. Les organisations de masses groupent
les jeunes, les étudiants, les femmes., les syndicats, pour la défense de leurs
intérêts spécifiques, et leur participation organisée aux taches de la
Révolution.
En tant qu'organisation de la classe
laborieuse, les syndicats doivent apporter dans les formes qui leur sont
propres leur nécessaire contribution à l’élaboration et à l’exécution de la
politique économique et sociale du pays.
Le Parti respecte I'autonomie des
syndicats dont le rôle essentiel est de défendre les intérêts -matériels et
culturels des travailleurs.
Cependant seul le Parti avant-garde des masses populaires peut assurer
la coordination des forces révolutionnaires 'a I'intérieur du pays et exploiter
d'une manière organique les possibilités et instruments qui existent all sein
de la société.
LA
RECONVERSION DE L'ALN
La fin de la guerre, la constitution du
Parti et la création de I'armée nationale imposent une reconversion de l'ALN.
L'ALN en tant qu'organisme militaire
du FLN est composée de militants. Cette
qualité de militant est la condition de base du combattant de 1’ALN.
La guerre a nécessité le versement de
militants é 1'ALN qui en a fait des combattants
L'accession de I'Algérie A
I'indépendance impose qu’une partie de l’ALN revienne à la vie civile et donne
des cadres au Parti et que l'autre partie constitue le noyau de I'armée
nationale.
Cette armée assurera la défense de I'indépendance et I'intégrité du
territoire et participera et la mobilisation des masses pour la reconstruction
du pays. Mais devant les
menaces constantes de I'impérialisme et I'importance de ses forces armés, il
faudra donner au peuple même les moyens d'assurer la défense de son pays. D’ou la nécessité, de constituer des
milices populaires à travers ensemble du territoire national et donner à notre
armée le soin de les entraîner,
C’est ainsi que le peuple donnant A son armée des moyens d'assurer sa
mission de défense, et I'armée aidant le peuple dans sa tache de reconstruction
se créeront les conditions de la formation d'une véritable armée populaire de
I'Algérie indépendante.
Cette formation sera accélérée par un
travail de politisation de I'armée et de création en son sein de cellules du
Parti.
LA
MOBILISATION DES MASSES
Le caractère sous-développé de
I'Algérie, les dévastations subies durant sept années et demi de guerre,
I'urgence des grands problèmes d'intérêt national exigent I'utilisation de
cette arme capitale entre les mains des Algériens, Que ce soit la réforme agraire
et ses problèmes connexes d'infrastructure, les problèmes de I'habitat, de
I'analphabétisme comme ceux de la santé, il n'y a pas de doute que l’Etats ne
pourra y faire face sans I'apport puissant du Parti. C’est pour cela que nos efforts
doivent tendre constamment à la création et au maintien de l’esprit de
mobilisation au sein des masses. C’est là la voie du salut pour faire de
I'Algérie un Etat moderne.
II importe de maintenir l’élan de
notre peuple issu de la guerre et de susciter cette atmosphère de fraternité et
d’enthousiasme qui permet les grandes réalisations.
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